Histoire : une grande frayeur à Colombey, en 1944
C’est aujourd’hui l’un des plus célèbres villages de France. Colombey-les-Deux-Eglises, où le général de Gaulle a fait l’acquisition d’une demeure en 1934, a connu, sous l’Occupation, de dramatiques événements qui auraient pu tourner au tragique.
Août 1944. La route nationale 19, entre Paris et Chaumont, voit régulièrement passer les convois allemands. Colombey-les-Deux-Eglises est sur ce chemin. Le 19 août 1944, une cinquantaine de soldats des troupes d’occupation font halte dans celle qui deviendra l’une des plus célèbres communes françaises. Il est environ 15 h 30. Soudain, surgit un camion. Ce sont des maquisards. Leur origine sera revendiquée ultérieurement par leur chef, le lieutenant Raymond Gogien* : ce sont des hommes du maquis de Montigny-sur-Aube (Côte-d’Or) qui, diront-ils, partaient exécuter une action de sabotage du côté de Joinville. la vue des Allemands, les FFI ouvrent le feu, notamment devant La Boisserie. Un habitant, Fernand Roethlisberger, racontera : « On relève un soldat mort et un autre gravement atteint, qui décède plus tard. Place de la Mairie, un autre soldat est tué. Le détachement de la Luftwaffe quitte rapidement le village avec ses victimes et part en direction de Chaumont… »
« Des femmes à genoux »
L’action des maquisards allait inévitablement entraîner des représailles : « Trois heures plus tard, poursuit Fernand Roethlisberger, Colombey est envahi. Des coups de feu sont tirés un peu partout et la fouille des maisons pour faire sortir brutalement les hommes qui s’y trouvent est systématique. » Notre témoin est frappé, les otages s’attendent à être fusillés. « Des femmes, à genoux dans la rue, implorent la clémence », se souvient le Colombéen.
L’intervention d’un capitaine de l’organisation Todt qui s’est fait expliquer la situation leur sauve la vie. Vingt-deux otages sont finalement embarqués en direction de Chaumont, et internés dans le quartier Foch. Fernand Roethlisberger est parmi eux, et sa mère Thérèse multipliera les démarches pour les faire libérer.
« Si nous revenons sains et saufs, nous érigerons une statue à la Vierge », avaient dit les otages lors de leur emprisonnement. Promesse tenue. Car quatre jours après leur arrestation, ils ont été relâchés. Et le 24 août 1946, une statue dédiée à “Notre-Dame-des-Otages” sera inaugurée sur la Montagne, en présence des 22 rescapés et, lors de la cérémonie religieuse, du général de Gaulle.
* Ce maquis a opéré notamment dans la région de Châteauvillain, où le frère de Raymond Gogien figuraient parmi les 17 habitants massacrés le 24 août 1944.
Sources : “1944 en Haute-Marne”, club Mémoires 52, 1994.
L. F.
Illustration : Thérèse Roethlisberger, qui intervint à Chaumont pour faire libérer les otages (collection F. Roetlisberger).