Heures de liesse – L’édito de Patrice Chabanet
Chaque guerre nous lègue des images qui ponctuent l’Histoire. Le conflit ukrainien n’échappe pas à cette grammaire de l’évènement. Souvent, on y lit la détresse d’un peuple. En contrepoint surgit parfois la liesse. La libération de Kherson nous l’a transmise en direct. Avec des scènes fortes, comme ce jeune soldat qui retrouve sa grand-mère, terrassée par l’émotion. L’image devient symbole. Elle le restera pour longtemps. Comment ne pas penser au « Baiser de l’Hôtel de Ville » de Robert Doisneau en 1944 ?
Il en est de cette grande respiration comme de toute libération. Après la fête et l’enthousiasme viendra le plus difficile : la reconstruction d’un territoire saccagé par l’envahisseur. Il y aura aussi les incontournables règlements de compte entre les vainqueurs et ceux qui avaient cru bon de jouer la carte russe. On sait déjà que l’occupant a pratiqué la déportation et la torture. Il reviendra à l’Etat ukrainien de pratiquer la justice en évitant le piège de l’épuration, affublée du vocable « tribunal populaire ».
C’est sans doute pourquoi l’Occident, les Etats-Unis en tête, pousse désormais Kiev au compromis, malgré les démentis officiels. Pour le dire trivialement, ils invitent Zelensky à ne pas être trop gourmand après ses dernières victoires sur le terrain. Vue de Paris, de Londres ou de Washington, cette posture paraît raisonnable. Les Ukrainiens qui ont acclamé leurs libérateurs le voient autrement. A leur manière, ils tiennent à récupérer leur Alsace-Lorraine. Un argument que nous pouvons entendre ici au moment où nous célébrons l’armistice du 11 novembre.