“Henry de Graffigny”, un Jules Verne haut-marnais
Il a écrit son premier livre à 17 ans, prophétisé “la téléphonie sans fil” dès 1909, prédit que l’Homme irait un jour sur la Lune en “véhicule astral”. Né à Graffigny-Chemin il y a 158 ans, Raoul Marquis, dont la personnalité intrigua Louis-Ferdinand Céline, reste l’un des écrivains français les plus prolifiques sous la IIIe République.
La marquise de Graffigny est une femme de lettres célèbre du XVIIIe siècle. Contrairement à ce que laisse supposer son nom d’épouse, cette Lorraine n’est pas née en Haute-Marne. A la différence de Raoul Marquis, qui a vu le jour le 28 septembre 1863 à Graffigny-Chemin, et qui fera rapidement, de son lieu de naissance, son pseudonyme.
Fils d’un jeune rentier originaire de la Somme et d’Eliza Brot, on connaît peu, finalement, les débuts de sa vie. Il reste quelques années avec sa famille à Graffigny, puis il rejoint la région parisienne. En 1881, Raoul Marquis intègre comme élève l’Académie d’aérostation, dont il deviendra secrétaire. 1881, c’est l’année où il fait paraître son premier livre, “Moteurs anciens et modernes”. Il a 17 ans.
« Illustre maître et ami »
Car Raoul Marquis est passionné par tout ce qui concerne les sciences. Cette passion se concrétisera, tout au long de sa vie, par une activité dévorante d’écrivain vulgarisateur : plus de 250 ouvrages, 3 000 articles, sous le pseudonyme – clin d’œil à son origine – de “Henry de Graffigny”.
L’homme s’intéresse à tout, écrit sur tout : l’électricité, l’automobile (il se prévaudra même du titre de “professeur d’automobilisme”), l’horlogerie, la radiologie, le bricolage, la tapisserie. Il signe des comédies, des pièces de Guignol. Il propose même un guide “pour se mettre en ménage”.
Héros célinien
Mais ce qui l’attire d’abord et avant tout, c’est le ciel. Une attraction partagée avec celui qu’il qualifie d’« illustre maître et ami », son compatriote Camille Flammarion, qui l’aurait invité à voler en ballon à Nogent en 1882 – Graffigny racontera l’anecdote dans “Récits d’un aéronaute” – et qui rédigera en 1887 la préface des “Aventures extraordinaires d’un savant russe”, 1 700 pages co-écrites avec Georges Le Faure. Comme Jules Verne, Henry de Graffigny n’aime rien tant que d’emmener ses lecteurs loin dans l’imaginaire. Lui qui prophétisa, dès 1909, l’émergence d’une « téléphonie sans fil », anticipera un « véhicule astral » dans “Voyage de cinq Américains dans les planètes” (1925), en sera convaincu en 1933 : un jour, l’Homme ira sur la Lune. La personnalité étonnante de l’auteur haut-marnais intriguera l’écrivain Louis-Ferdinand Céline, qui l’avait accompagné en Grande-Bretagne en 1918. Il servira de modèle pour créer le personnage de Courtial des Pereires dans un de ses fameux romans, “Mort à Crédit”, paru en 1936.
Chroniqueur scientifique durant ses dernières années pour Ouest-Eclair, “Henry de Graffigny” est décédé à Septeuil (Yvelines) en 1934. Outre son admiration pour Flammarion, ses liens avec l’éditeur Albin Michel, Raoul Marquis est resté très attaché à son département natal. Un des héros du “Tour de France en aéroplane” (1910) se nommait Outremécourt, du nom d’un village proche de Bourmont.