Guerre de position – L’édito de Patrice Chabanet
Les Français se sont habitués, bien malgré eux, à la grève cadencée de la SNCF. Ils s’organisent comme ils peuvent. Les uns approuvent le mouvement. Les autres trouvent saumâtre d’être « pris en otages ». Surtout, ils tentent de comprendre un conflit, où chaque partie campe sur ses positions, convaincue qu’elle remportera ce long marathon. Dans ces conditions, difficile d’imaginer la suite des événements, et cela d’autant plus que chacun joue sur son propre terrain, le gouvernement sur celui de la politique, les syndicats sur celui du social. Incontestablement, l’exécutif a marqué des points hier à l’Assemblée nationale. Le projet de loi « pour un nouveau pacte ferroviaire » a été approuvé massivement, par 454 voix contre 80. Les Républicains, pourtant très critiques sur l’action gouvernementale dans de nombreux dossiers, ont apporté leur soutien. Dans le même temps, les syndicats de cheminots ont maintenu leur programme de grève, même si le nombre de grévistes tend à s’éroder. Il n’empêche, le trafic reste très perturbé.
A l’évidence, ce sont deux légitimités qui se télescopent. Les syndicats ne peuvent pas évacuer d’une pichenette le vote très largement majoritaire des élus du peuple. Ils ne peuvent ignorer non plus le large soutien de la population, confirmé de sondage en sondage, en faveur de la réforme. Sans aucun doute, le gouvernement mise beaucoup sur ce double soutien, parlementaire et populaire, pour mettre son projet sur rail. Pour autant, il doit veiller au risque de radicalisation qui peut se développer pour maintenir le rapport de force, en dépit du vote des parlementaires et de la vox populi, celle des usagers. Dans ce conflit hors normes, il ne saurait y avoir de vainqueur par KO. La solution passera par des négociations qui ne soient plus un face-à-face de chiens de faïence. Les syndicats, notamment les plus extrémistes, se font des illusions s’ils imaginent que le gouvernement renoncera à sa réforme. Ce dernier, de son côté, commettrait une erreur en pariant sur un gros coup de mou dans la combativité des cheminots.