Grutier : la tête en l’air, mais les pieds bien ancrés au sol

Depuis fin 2023, afin de permettre la construction de logements à proximité, une imposante grue a été installée en face de la place Émile-Mauguet. Jhm quotidien a pu monter dedans et découvrir par la même occasion les spécificités du métier de grutier. 

Là où elle est, difficile de la louper. Qu’on soit au fin fond des quartiers périphériques ou à ses pieds, en cœur de ville. Mais ne vous méprenez pas, nous ne parlerons pas ici de la tour Miko. Plutôt de la grue, installée non loin de là, rue Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny et servant à transporter les matériaux nécessaires à l’édification de logements aux abords de la place Émile-Mauguet. « C’est un élément capital », assure ce jeudi 7 mars, Mickaël Testu, chef de chantier et grutier pour l’entreprise Fior chargée de construire ces habitations. « Elle sert pour toute la manutention : on déplace les échafaudages, les éléments préfabriqués… »

« Sur une grue, l’élément le plus dangereux, c’est le vent »  

L’engin mesure 25 mètres de hauteur sous-crochet, peut porter jusqu’à six tonnes en pied de flèche (proche de son mat) et 3,6 tonnes en bout de celle-ci. Elle détient certes une cabine, mais contrairement à ce que peut penser l’imaginaire collectif, ici la manipulation de l’engin se fait essentiellement au sol. « On ne s’en sert pas en cabine, on a une radiocommande pour la conduite au sol. On n’a pas besoin d’avoir un grutier tout le temps là-haut », précise Mickaël.

D’ailleurs, ça l’arrange bien. Non seulement parce qu’en tant que chef de chantier, il se doit d’être à proximité des autres ouvriers, mais aussi parce qu’il y voit un confort technique. « Je préfère être en bas. Je vois tout de suite ce que je fais. Si j’ai besoin d’un élément préfabriqué, je sais où je suis. »

En plus de devoir voir un minimum ce qu’il se passe, le grutier doit prendre en compte d’autres facteurs : le poids de l’élément, le « ballant », autrement dit le mouvement de balancier que peut faire le matériau porté lors de son déplacement, mais aussi et surtout le vent. Si ce jour-là, il était peu présent, des fois, il peut se montrer des plus violents. « A 50 km/h, on est avertis, ça s’allume et ça sonne, et à 72 km/h, on s’arrête. Le risque, c’est que la grue bascule ou que l’élément percute les ouvriers. » Durant sa carrière, et malgré quelques outils, comme les prévisions météorologiques ou un anémomètre indiquant en temps réel la force du vent, Mickaël a déjà eu quelques frayeurs en la matière. Un jour, sur un autre chantier, alors qu’il était en train de poser une armature en guidant un engin depuis le sol, un coup de vent inopiné l’a fait bouger. « Il a fallu que je décroche l’armature vite fait. Sur une grue, l’élément le plus dangereux, c’est le vent. » 

Une manière de manœuvrer différente depuis la cabine

Et sinon, comment ça se passe là-haut ? « On n’a pas du tout la même sensation qu’au sol », explique Mickaël au cours de la discussion. C’est ce que nous découvrons en montant nous installer dans la cabine de la grue qu’il surnomme « le palace ». Sur d’autres chantiers, lorsqu’il est nécessaire que le grutier soit installé là-haut, il doit fonctionner en binôme avec un élingueur en charge de suivre la manœuvre et d’accrocher les éléments. Profitant de notre présence, Mickaël décide de faire une petite démonstration en déplaçant une poutre. La communication avec Steve et Jean-Claude en bas se fait par les gestes et l’élément est levé faisant légèrement pencher la flèche de la grue. « Vous avez senti ? » Après quelques minutes de manipulation, il est temps de redescendre. « On est mieux sur le plancher des vaches », lâche Mickaël de retour en bas. Et loin de nous l’envie de le contredire !

Dominique Lemoine 

d.lemoine@jhm.fr