Gérard Leblanc donne l’eau à la “Bouche vivante”
Cinéaste et historien du cinéma, le Langrois Gérard Leblanc se lance dans l’aventure de l’écriture avec son premier recueil de poésie, intitulé “Bouche vivante”. Un ensemble savoureux, où sa quête d’identité côtoie sa volonté de tordre la langue de bois.
Il y avait déjà le cinéaste. Il y aura désormais le poète. Bien connu à Langres, Gérard Leblanc a réalisé, ces vingt dernières années, de nombreux films avec sa complice Catherine Guéneau, et sous l’égide de sa structure Médias création recherche. Le dernier en date — “Les locavores” —, dans lequeil il a plongé sa caméra dans les cuisines réputées du collège de Prauthoy, a rencontré de bons échos, et l’homme, insatiable, est déjà en route pour un nouveau documentaire.
Mais, pour la première fois, Gérard Leblanc a décidé de poser la caméra pour se saisir de la plume : « Depuis que je suis enfant, j’ai toujours voulu faire deux choses : filmer et écrire ». Sorti il y a une dizaine de jours aux éditions L’Harmattan (dans la collection “Poètes des cinq continents”), son premier recueil, baptisé “Bouche vivante”, est en vente à Langres, notamment à la librairie “L’Antre de livres”. « C’est la maison d’édition que j’ai choisie. Cette collection rassemble la poésie à l’échelle mondiale, et elle me correspond bien », explique-t-il, ravi d’avoir pu concrétiser cette opportunité.
« Ma poésie s’exprime en opposition aux langues de bois »
Ses textes, alternativement en vers et en prose, ont été rédigés au fil des ans, selon ses inspirations et expériences du moment : « Il y a Langres, il y a des expressions du monde et de la société qui se retrouvent là. Il y a des écritures récentes, d’autres plus anciennes. C’est la cohérence qui compte. Lorsque j’ai senti qu’elle était présente, j’ai décidé de publier ».
Et cette cohérence se matérialise dans le choix — qui interpelle fatalement — du titre choisi : “Bouche vivante”. « Parce que la poésie, c’est la langue vivante. Il faut une bouche authentique pour une langue vivante », explique Gérard Leblanc, qui voit l’ensemble de son œuvre comme un pied-de-nez aux airs éthérés et édulcorés du moment : « Ma poésie s’exprime en opposition aux langues de bois, qui dominent la communication d’aujourd’hui, et pas seulement politique ». Comme il l’écrit habilement dans “Tu te figures”, le poème d’ouverture : « La bouche du vent et la mienne se joignent au au cigare. Leurs souffles mêlés. On ne sait plus qui fume et qui est fumé ».
La poésie, c’est en images — notamment celles de Langres — que Gérard Leblanc la vit. Paradoxalement, le point commun qui lui semble le plus fort entre le cinéma et la poésie est l’image immanente. « Le cinéma produit des images matérielles mais, pourtant, le plus important dans un film, c’est ce qu’en pense le spectateur. Ce sont les images mentales produites par son cerveau à partir de ces données matérielles. Le point de rencontre avec l’écriture, il est là : dans la poésie, ce qui est écrit n’est pas réductible au sens premier. Et, en interprétant, on est forcément soumis au sens des images mentales ! ».
Nicolas Corté
