Rendez-vous culture : Gabrielle Hollensett, en couleurs

Prof d’allemand durant 25 ans au lycée Bouchardon à Chaumont, Gabrielle Hollensett se consacre à la peinture. Installée aujourd’hui sur l’Ile de Ré, l’artiste réalise des tableaux hauts en couleur.

Cinquième d’une fratrie de huit, Gabrielle grandit à Valenciennes : « Mes parents allemands se sont installés en France après avoir quitté dangereusement la zone d’occupation soviétique dans une locomotive en 1948. Mon père et plusieurs de mes sœurs dessinaient bien, ce qui donnait lieu à des concours en famille sous l’œil admiratif d’une mère qui de son côté nous a transmis sa sensibilité à fleur de peau et le goût pour le chant, la musique et la poésie. »

Quand les copines recopient les cours, la lycéenne dessine, s’imagine intégrer une école d’art, mais… « J’ai poursuivi dans un Institut d’interprètes et de traducteurs rattaché à l’université de Mayence. Allemand, anglais, espagnol… Je suis embauchée chez Michelin à Karlsruhe où je traduis toute sorte de documents. Avec mon premier salaire, je me suis équipée de tout ce dont j’avais besoin pour peindre. »

Trois ans plus tard, Gabrielle se réoriente vers l’enseignement. Capes en poche, la prof d’allemand enchaîne les rentrées en Lorraine avant d’être nommée en Haute-Marne en 1978 : « Collège à Nogent, lycée Bouchardon à Chaumont… L’enseignement de l’allemand me comble dans la mesure où cela me renvoie à mes origines et en transmettant ma langue maternelle, il me semble que je favorise le rapprochement culturel entre les deux pays. Je suis heureuse de ma carrière au lycée Bouchardon, j’y ai passé l’agrégation en 1994. »

Sur les hauteurs de Brottes, Gabrielle et les siens savourent la sérénité des lieux : « Couchers de soleil fantastiques, végétation luxuriante, le clapotis de la rivière en contrebas, les bords de la Suize, le Corgebin, le canal, les balades dont les images sont restées à tout jamais dans ma tête et sont aujourd’hui encore source d’inspiration. Les champignons en toutes saisons, la luge en hiver, les jonquilles, le muguet au printemps, les mûres en été et les couleurs flamboyantes de l’automne, l’élégance des biches et chevreuils, le grognement inquiétant des sangliers, le renard dont on n’apercevait que le panache roux et blanc de la queue, le grand cerf qui nous faisait l’honneur de son brame. Penser à tout cela me donne envie de m’envoler ! »

Et la peinture dans tout ça ?

Enfant, Gabrielle dessine ; ado, elle peint. Après des débuts très classiques, l’artiste change de style : « J’ai eu ensuite ma période d’auto-psychanalyse où j’ai réglé les comptes avec moi-même, puis j’ai suivi les fauves, les expressionnistes. Influencée par l’actualité, par mon vécu de femme engagée et révoltée, inquiète de l’évolution de notre terre et de notre patrimoine nature, ma peinture exprime avant tout mon ressenti face à la vie. »

Lorsqu’elle ne peint pas, Gabrielle se fait soprano dans les chorales chaumontaises ou rejoint l’atelier de chant jazz “Agitez le Vocal” créé par Vincent Bardin, avec lequel elle chante pendant seize ans. En 2005, la jeune retraitée s’inscrit au Conservatoire de Chaumont pour y apprendre les rudiments du solfège et le chant lyrique. 

En 2015, Gabrielle s’en va écrire la suite sur l’Île de Ré : « Ma peinture recrée les atmosphères des paysages maritimes et industriels. Mon travail attire et fascine par l’harmonie des couleurs, des lumières et l‘émotion poétique qui s‘en dégagent. Je suis bien sur l’Île de Ré en hiver mais de mai à octobre tout devient compliqué, car l’île est devenue une attraction touristique. Les villages ont perdu leur cachet. Les prix sont prohibitifs. »

Novembre 2019. L’artiste s’en revient exposer à la Maison des Carmélites à Chaumont : « J’ai vécu près de 38 ans à Chaumont, je reste très attachée à cette ville à taille humaine. J’y reviens autant que faire se peut. »

 De notre correspondant Serge Borne