Fuite en avant – L’édito de Patrice Chabanet

L’armée russe ne devait faire qu’une bouchée de l’Ukraine, tant les forces en présence étaient déséquilibrées. Ce n’est pas tout à fait ce qui est en train de se passer. La résistance ukrainienne se montre plus efficace que dans le scénario qu’avait élaboré Vladimir Poutine. Kiev, cible emblématique n’est pas tombée. C’est réconfortant de voir un peuple mettre en échec la deuxième armée du monde. Plus inquiétant en revanche est l’attitude de Moscou après cette déconvenue. La Russie nous annonce en effet qu’elle va « élargir » son intervention. En d’autres termes elle entend densifier l’action militaire, notamment grâce à son aviation et à l’utilisation plus massive de ses blindés. On verra à l’usage quel est le bénéfice de cette nouvelle stratégie. Ce dont on est déjà sûr, c’est que les civils paieront un lourd tribut.

Qu’on le veuille ou non, Poutine s’est engagé dans une fuite en avant. Son discours et ses menaces ouvrent un chapitre que l’on croyait clos depuis la fin de la guerre froide. Il insiste lourdement sur l’armement nucléaire dont dispose son pays. Propos de fanfaron, se rassureront les optimistes. Mais l’homme ne plaisante jamais. Ce qui était impensable il y a un peu plus d’un mois doit être pris désormais en considération. Si l’armée russe passait de « l’élargissement » à l’enlisement, le président russe, on peut l’imaginer n’hésiterait pas à utiliser des armes nucléaires tactiques.

Le ciel de l’Europe s’obscurcit singulièrement. De nombreux pays se sont engagés à soutenir militairement l’Ukraine, sans intervenir directement. Signe des temps, l’Allemagne qui répugnait, pour des raisons historiques, à s’engager dans un conflit militaire hors de ses frontières vient d’annoncer l’envoi d’armes à l’armée ukrainienne. Le Vieux Continent danse au bord d’un volcan.