Fresnes-sur-Apance : l’enquête sur le legs Clerc bouge
Il semble qu’il n’y ait qu’un village comme celui de Fresnes-sur-Apance en Haute-Marne… voire au-delà des frontières du département. En revanche, comme dans une cité de 150 habitants, un petit mouvement dans une rue résonne aussitôt dans toutes. Lundi 4 décembre, il y en a eu…
Oui, l’enquête sur les conditions de la gestion du legs Clerc se poursuit. Lundi 4 décembre, en fin de matinée, deux voitures de l’ancien maire de Fresnes-sur-Apance sont hissées sur les plateaux de deux camions remorques, qui les emmènent. Presque concomitamment, des gendarmes enquêteurs en civil sortent du domicile de Jean-Marie Thiebaut, qui les laisse le distancer de deux ou trois mètres, en restant sur le pas de sa porte. Puis les rejoint pour monter dans leur voiture banalisée, qui démarre. Si la volonté de discrétion des militaires est manifeste, le ballet des deux dépanneuses est naturellement repéré. L’ancien maire était le tuteur d’Edith Clerc assurément, et selon lui, de son époux Gilbert. Si la commune est aujourd’hui bénéficiaire exclusif du « legs Clerc », il y a assez de zones d’ombre autour de sa gestion pour qu’après une longue enquête préliminaire, une information judiciaire a été ouverte il y a plusieurs mois. Pour l’heure, l’exécution du legs est en somme « en suspens ».
Toujours lundi 4 décembre, peu après 19 h 30, la séance du conseil municipal est levée, faute de quorum. L’assemblée devait élire des adjoints, après que quatre conseillers municipaux ont été fraîchement élus dans une deuxième municipale complémentaire partielle cette année. C’est la troisième fois que le conseil est empêché de se réunir.
Au fil du temps, le « blocage » du legs Clerc, et, surtout, l’intérêt qu’il suscite aux yeux de la justice, continue de… ruiner l’ambiance. Retour sur les principales étapes de cette affaire.
À Fresnes-sur-Apance, on est souvent parents, les alliances finissent par faire converger les familles. Or, c’est connu, on ne choisit que ses amis. Total : il faut peu ou prou cohabiter. Il y a dix ans, l’annonce d’un legs qui reviendrait à la commune fait l’effet d’une déflagration. Nouvelle explosion deux ans plus tard, quand la manière de le présenter de Jean-Marie Thiebaut, candidat à sa réélection, laisse supposer qu’il est potentiellement colossal. Décembre 2020, c’est en effet heure d’élections municipales, après invalidation du précédent scrutin. Dans un tract, l’ancien maire convoque de nouveau cet héritage promis en fustigeant son adversaire dans des termes qui seront jugés diffamatoires. Sans parvenir à convaincre les habitants de le reconduire à la tête de Fresnes-sur-Apance.
Nathalie Blanc succède à Jean-Marie Thiebaut, officiellement en juillet 2021, après un ultime recours de son concurrent. On l’a déjà découragée de concourir en janvier, mois pendant lequel elle a été notamment destinataire de sms peu amènes – plainte sera déposée, sans aboutir : le numéro du mobile expéditeur ne sera pas identifié. « Je te conseille ardament de renoncer à la mairie (sic) » 1er janvier 2021 ; « Renonce à la mairie si tu veux pas avoir de problèmes (sic) » le 04 janvier ; « Tu veux qu’on te montre de quoi nous sommes capable (sic) », le 07 janvier.
En tout état de cause, la mandature de Nathalie Blanc commence dans une atmosphère détestable. Les plaintes de son prédécesseur se multiplient ; il arrive, comme pour le tract, les sms menaçants, qu’elle réplique. Mise la propagande électorale à part, les protestations mutuelles restent sans suite. Jean-Marie Thiebaut et ses soutiens entendent bien reprendre les rênes de la mairie. Le legs des époux Clerc hante le quotidien du village. Et ça dure…
Début février 2022, un débordement verbal en conseil municipal est suivi d’une plainte à la gendarmerie de Bourbonne-les-Bains. Qui entend très rapidement l’ensemble des participants et le public. « Une réponse pédagogique », selon les termes du procureur de la République du tribunal judiciaire de Chaumont, est apportée à ces faits d’outrage à personne chargée d’une mission de service public. Un ancien élu écope d’un stage de citoyenneté.
En avril de la même année, le premier adjoint François Renon glisse que si la commune refuse le legs, « on n’aura rien » et que « Jean-Marie Thiebaut « sera pénalisé » alors qu’il « s’est démené ». Ce cadeau faramineux, c’est en effet lui qui, alors maire, l’avait annoncé à ses administrés.
Fabienne Ausserre
f.ausserre@jhm.fr
Maire et tuteur des légataires
Jean-Marie Thiebaut est maire et tuteur de Gilbert Clerc, qui, à sa mort, veut être le fameux légataire de Fresnes-sur-Apance. Plutôt entrepreneur du textile que marchand de tissus, Gilbert Clerc, qui s’éteint le 19 mai 2016, est marié à Édith, sous le régime communauté universelle, avec une clause d’attribution intégrale -c’est-à-dire que l’ensemble du patrimoine du couple ira au dernier survivant. Jean-Marie Thiebaut est déjà le tuteur d’Edith Clerc -un mandat de protection future a été établi devant notaire le 29 mai 2013, il est activé le 8 janvier 2016 (il devient effectif, NDLR).