Fratrie Diderot – Didier, le père honnête et droit
Reprenons le chemin de la place Diderot pour évoquer une fois encore, le cercle familial de Denis Diderot, le plus célèbre des langrois. Sous l’œil complice de Denis, parlons des relations conflictuelles qu’il entretenait avec Didier, son père.
Le père de Denis Diderot, Didier, est lui aussi langrois. Il épouse Angélique Vigneron en 1712 à Chassigny. C’est elle qui lui donnera plusieurs enfants, dont notre philosophe. Didier exerce la profession de maître coutelier et jouit d’un bonne réputation. Il s’est spécialisé dans la fabrication d’instruments tranchants médicaux et chirurgicaux, tels que des scalpels et des lancettes. A cette époque, une importante corporation de couteliers est recensée à Langres. Le père de Didier, un Denis lui aussi, était également coutelier et fils de coutelier. Il s’était marié à Nicole Beligné, de la célèbre maison de coutellerie Beligné, coutelier du roi depuis 1750. Une tradition familiale que la coutellerie ! On comprend pourquoi Denis, l’écrivain, montrera plus tard, tant de respect pour le travail des artisans. Avec un tel cercle familial, il était prédisposé à s’intéresser aux techniques, aux métiers et aux savoir-faire. Didier apparaît souvent dans les écrits de son fils. On le retrouve dans la figure autoritaire, honnête et droit du père. Denis avait une admiration certaine pour lui, « Son image sera toujours présente dans ma mémoire, il me semble que je le vois dans son fauteuil à bras, avec son maintien tranquille et son visage serein. » ( Entretien d’un père avec ses enfants, 1771 ). Attentif à son commerce, Didier fait figure de modèle et de bon gestionnaire des affaires familiales. Il travaille dur et investit si bien, qu’il lègue un héritage confortable à ses enfants. Entre père et fils, les relations sont tendues. La religion et la vie de bohème de Denis à Paris sont sujets de discorde. Didier rembourse à plusieurs reprises les dettes de son fils, lui écrivant sans cesse « Prenez un état ou revenez avec nous ». Homme pieux et respectueux des convenances de la vie sociale, Didier accepte mal les écarts de son fils. En 1742, à l’annonce de son mariage avec Anne-Toinette Champion, son père le séquestre ; Denis se marie sans consentement paternel, le 6 novembre 1743. Leurs rapports seront ainsi faits de ruptures et de réconciliations. On ne peut nier cependant une fierté mutuelle : celle du père qui se réjouit des succès scolaires de son fils, espérant pour lui une carrière brillante ou, celle du fils qui au fil de ses écrits, évoque l’image paternelle et rend hommage à l’artisan et à ses savoir-faire dans son œuvre la plus magistrale, le Dictionnaire raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers par une société de gens de Lettres.
De notre correspondante Angélique Roze