Frappée à coups de fer à repasser
Aux dangers de la consommation de stupéfiants s’ajoutent des risques de représailles d’un rare violence. Frappée à coups de fer à repasser, une jeune mère de famille a fait les frais de la barbarie d’un prévenu au profil inquiétant. Terrorisée, la victime n’a pas souhaité venir témoigner à la barre du tribunal.
La fiction rejoint parfois la réalité. L’horreur s’est invitée en salle d’audience, jeudi après-midi, le calvaire endurée par une jeune femme et l’apparente froideur de son agresseur présumé frappant les esprits. L’instruction du dossier renvoie à la soirée du 8 avril dernier. Au coeur de cette nuit de printemps, une femme se réfugie chez des habitants de la paisible commune de Fayl-Billot. Les gendarmes ne tardent pas à arriver sur les lieux. Les premières constatations font état de la barbarie de l’agression : la mère de famille a été frappée à l’aide d’un fer à repasser. Mis sous tension avant l’agression, l’appareil ménager a laissé plusieurs traces de brûlures sur différentes parties du corps.
La victime se mure dans le silence. Des méthodes de police scientifique finiront pas permettre aux enquêteurs de lever le voile sur des actes d’une infinie cruauté. Détectée sur un verre saisi sur la table basse de l’appartement de la victime, une trace papillaire permet d’identifier John Ryder, délinquant notoire condamné à de multiples reprises. Confrontée à ce nouvel élément, la victime sort de son profond silence et confirme avoir accueilli ce Langrois à son domicile. Un deuxième homme est identifié sur une planche photographique. Répondant à l’identité de Zeeman Barzell, ce Langrois portera des accusations précises à l’encontre de John Ryder : un impayé aurait entraîné ces violentes représailles. L’audition du fils de la victime sera également déterminante : réfugié dans sa chambre, l’enfant confirmera la présence de Ryder et Zeeman et évoquera «une embrouille» en lien avec un problème de Méthadone, opioïde analgésique se substituant à l’héroïne. Malgré ces éléments, terrorisée, la victime reviendra sur ses déclarations et demandera à retirer sa plainte.
Trois ans ferme
«J’étais présent, mais je n’ai pas frappé cette femme, clamait John Ryder, placé en détention provisoire depuis le mois d’octobre. Zeeman Barzell m’a fait venir chez elle, je devais régler une affaire avec lui suite à l’achat d’un quad. Quand je suis reparti, elle n’était pas blessée, Zeeman Barzell était toujours là !» Ces déclarations attisaient la surprise du procureur Prélot. Et pour cause : cette version est en tous points contradictoire avec les précédentes affirmations du prévenu.
En charge de la défense de la victime, Me Tribolet faisait fi de la nouvelle ligne de défense du prévenu. «La culpabilité de monsieur est scellée, lançait l’avocat. J’ai rarement vu au cours de ma carrière une personne aussi terrorisée et anxieuse à l’approche d’une audience. Ma cliente a fait l’objet de menaces et n’a pas voulu venir aujourd’hui, elle est incapable d’affronter le regard de monsieur ! Devant les éléments présentées par les enquêteurs, elle a fini par avouer l’évidence. Accusé à tort un homme de ce profil n’aurait aucun intérêt ! Les traces de blessures sont incontestables. Ma cliente est toujours en état de choc sept mois après les faits !»
Les réquisitions du procureur Prélot faisaient écho à la plaidoirie de Me Tribolet. «La trace papillaire prouve que monsieur était présent le soir des faits. Comment peut-on imaginer que cette femme ait pu mentir ? La version présentée par monsieur est mensongère à mes yeux. Le fer a été branché et des coups ont été portés au visage. A la gravité particulière des faits s’ajoute une personnalité inquiétante. Monsieur a été condamné à trois lourdes condamnations pour des violences et il ne présente aucune garantie de réinsertion», soulignait le représentant du Ministère public avant de requérir l’application de la peine plancher – deux ans de prison – et un maintien en détention.
La plaidoirie de Me Alfonso – lire ci-dessous – n’aura pas convaincu le juge Thil et ses assesseurs. Condamné à trois ans et six mois de prison – dont six mois assortis d’un sursis avec mise à l’épreuve -, John Ryder a également pris connaissance de la révocation de deux mois de prison avec sursis prononcés dans le cadre d’une précédente condamnation. Maintenu en détention, le condamné fera l’objet d’une interdiction de séjour en Haute-Marne d’une durée de cinq ans. John Ryder sera également soumis à une interdiction d’entrer en contact avec la victime et à diverses obligations (soins, indemnisation et travail). Le condamné devra, par ailleurs, indemniser la victime à hauteur de 2 000 euros.
Vaine plaidoirie
Surprise par la nouvelle version présentée par son client, Me Alfonso a tenté de faire surgir le doute. «Compte-tenu de la violence de l’agression, on a forcément envie d’aller du côté de la victime, mais à la lecture du dossier, le doute me saisi. J’ai l’impression que tout le monde ment ! La victime ne désigne peut-être pas le bon agresseur. Je découvre comme vous la nouvelle version de mon client, mais une question demeure : par qui la victime a-t-elle été agressée ? Les déclarations de Zeeman Barzell sont confuses, il dit ne rien avoir remarqué à son arrivée puis il change de position en affirmant que la victime avait du sang sur le visage lorsqu’elle a ouvert la porte. J’ai la conviction que Zeeman Barzell ment sans vergogne. Une trace a été relevée sur un verre, pas sur le fer ! Monsieur Barzell n’est pas poursuivi, il est tranquille ! Nous nous connaissons pas la vérité, ce dossier est dense, dense de mensonges ! Il y a un doute et il faut avoir le courage de prononcer la relaxe !»