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François Truchot, le trappeur haut-marnais qui épousa une Indienne

La famille Truchot réunie en 1895, autour du patriarche. Au deuxième rang, les jumeaux Frank et Hubert-Louis. (Collection Clyde Hall).

Véritable personnage de roman que cet enfant de Bussières-lès-Belmont : arrivé à New York en 1853 alors qu’il n’a pas 20 ans, il s’est fait tour à tour employé de restaurant, muletier, cow-boy, trappeur, et pour finir éleveur de bétails. Il est aussi connu pour avoir épousé une Shoshone qui lui donna deux jumeaux.

Il y a une quarantaine d’années, un romancier américain, James A. Michener, publiait un récit fleuve, “Colorado Saga”, dont l’adaptation a profondément marqué des générations de téléspectateurs. Portée par une pléiade d’acteurs alors très en vogue, comme Robert Conrad, Richard Chamberlain, Donald Pleasence, Gregory Harrison, cette série racontait notamment l’histoire d’un trappeur français, Pasquinel, qui, à la fin du XVIIIe siècle, a pris pour épouse la fille d’un chef indien du Colorado, qui lui a donné deux fils.

Un Pasquinel haut-marnais a réellement existé : il s’appelait François Truchot, et il est né à Bussières-lès-Belmont le 21 novembre 1833, une année où plusieurs habitants de ce gros village vannier – 1 375 habitants, à l’époque – avaient pris le chemin de l’Amérique. François Truchot, lui, a décidé de faire le grand voyage durant l’hiver 1852-1853. Voulait-il échapper à une conscription dans les armées de Louis-Napoléon Bonaparte, comme le pensent ses descendants ? Peut-être. Quoi qu’il en soit, c’est tout à fait légalement que le fils de manouvrier fait enregistrer sa demande de passeport en préfecture de Haute-Marne, le 10 décembre 1852.

Contre les Mormons 

Puis il embarque au Havre sur le voilier Irène-II. Arrivé à New York en février 1853, François Truchot parvient à prendre contact avec un de ses parents, travaille quelque temps dans un restaurant puis décide de tenter sa chance dans l’Ouest. Première étape : l’Ohio, où il trouve un autre travail. Puis il se rend à Saint-Louis et à La Nouvelle-Orléans.

En 1857, le Haut-Marnais participe, comme muletier, à l’expédition du colonel Johnson contre les Mormons en Utah. Il décide alors de quitter cette armée pour se lancer dans la conduite de troupeaux. Le voilà cow-boy. Une activité fort lucrative qui l’amène à sillonner l’Utah et le Montana.

Malédiction indienne 

Lorsque le chercheur d’or Edwin R. Purple croise sa route, Truchot exerçait tout à la fois les activités de trappeur, de chasseur et de commerçant. Surtout, il vivait avec une Indienne : Marci Watson, de la tribu des Lemhi-Shoshone. La jeune femme lui a donné deux fils, jumeaux nés le 1er septembre 1866 : Frank et Hubert-Louis Truchot.

La famille franco-amérindienne vit à Deer Lodge jusqu’en 1874. C’est l’année où elle vole en éclats. Le fort caractère de François Truchot, le fait, également, que selon une tradition indienne, avoir des jumeaux était un signe de malédiction expliquent la volonté de Marci Watson de quitter son époux en emmenant un de ses fils. Fureur du Haut-Marnais qui parvient à retrouver sa femme et à repartir avec Franck Jr. « Il ne revit plus jamais Marci », dira son descendant Clyde M. Hall, dont le témoignage a été recueilli par Tilly Smith.

Grand blizzard 

François, devenu Franck Truchot aux Etats-Unis, devait se remarier, en 1877, avec une jeune femme de 22 ans sa cadette, fille d’un compagnon de l’époque de la Hudson Bay Company. Le couple aura onze enfants. Pour cette famille, le Haut-Marnais fait construire un ranch, à Choteau, dans le Montana.

Ayant réussi dans ses affaires, il songe à acheter, en 1885, une propriété dans son village natal, rue de Meuge, avec peut-être l’intention d’y installer les siens. Mais, raconte Tilly Smith, « les projets ne se passeront pas comme espéré… En 1886 (…), l’hiver fut terrible, et le grand blizzard tua des centaines de têtes de bétail… François perdit presque tout et dut recommencer à zéro… »

Belle postérité 

Le Haut-Marnais s’accroche, en effet, remonte une affaire avec des chevaux achetés en France, y travaille avec ses fils qui décident finalement de retrouver leur famille indienne. Le 10 janvier 1909, François Truchot, qui a 76 ans, vient souhaiter bonne nuit à sa fille Catherinette… puis meurt, victime d’une crise cardiaque.

Son nom a été donné à une colline du comté de Teton River. Son descendant, Clyde Hall, est venu voici plusieurs années à Bussières-lès-Belmont, sur les traces de son ancêtre français. Il est considéré comme l’un des plus ardents défenseurs de la culture indienne aux Etats-Unis. La belle-fille de François Truchot, Louise Fellers, a été un des membres fondateurs des Témoins de Jéhovah. Belle postérité pour l’humble fils d’un manouvrier de Bussières.

Lionel Fontaine 

Source : Keskidees. Emigrés bassignots et comtois aux Etats-Unis, club Mémoires 52, 2011.

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