Foot super fric – L’édito de Patrice Chabanet

C’est peu dire que l’annonce de la création d’une « Super Ligue » européenne de football a déclenché un violent tir de barrage. Tout ce que la planète football compte en instances voit dans cette nouvelle organisation une machine à détruire non seulement les structures actuelles, comme l’UEFA par exemple, mais à pervertir l’esprit même de ce sport. Les politiques se sont joints à la bronca au-delà de leurs divergences traditionnelles. Ainsi on voit dans la même protestation le gouvernement français et son homologue britannique.

Les douze clubs fondateurs de cette super ligue (espagnols, anglais et italiens) ont pris de gros risques. L’UEFA pourrait, dès ce vendredi, prononcer l’exclusion de ces clubs de la Ligue des champions. Et leurs joueurs pourraient être exclus des équipes nationales. Ce n’est plus du sport mais une lutte au couteau, dont l’image du football ne sortira pas grandie. Rien de nouveau, soupireront certains, dans une discipline dont les enjeux financiers sont devenus déterminants. Le mot mercato résume à lui tout seul la mentalité dominante : on achète et on vend les joueurs. Du bétail humain de luxe…

Cette fois-ci, les choses ont au moins le mérite de la clarté. La banque américaine JP Morgan a confirmé sa participation au financement de la Super Ligue. Un investissement aux risques limités car les trois quarts des participants à cette ligue seraient des membres permanents. Pas d’éliminatoires pour eux et l’assurance de bonnes rentrées financières. Où est l’esprit d’émulation ? Où est l’esprit tout court ? Le football est depuis sa naissance un sport populaire dans lequel se reconnaissent et s’investissent les supporters. Cette Super Ligue constitue un véritable reniement de valeurs fondamentales, comme la solidarité et la seule envie de jouer. Et là, quel est le premier résultat tangible attendu ? Que les plus friqués gagnent plus de fric encore. Les promoteurs du projet se sont mis hors jeu. Reste à espérer que la raison et le sport – le vrai – remettront la balle au centre.