Film « Langres 1925 » : renaissance d’un joyau (avec des extraits vidéo)
Moins de six minutes pendant lesquelles le Langres du passé revit. C’est le résultat émouvant de la restauration d’un film promotionnel datant de 1925.
« A 7, 8 ans, j’ai sauté sur les genoux de Marlene Dietrich ». Le marmot est alors à l’école de garçons des Chavannes. « Un type est arrivé à l’école. Il voulait trois gamins… ». Voilà comment le jeune Pierre s’est hissé à une place de roi : l’homme venu de nulle part l’a fait figurant dans Martin Roumagnac, que Georges Lacombe va tourner. En 1946, avec Jean Gabin, la reine Dietrich tracte l’affiche. C’est « dans les années 80 » que Pierre glisse ce souvenir à son amie, la responsable du service culturel de la Ville Chantal Andriot. « On a parlé films… et j’ai commencé à chercher longs-métrages, oeuvres amateurs tournés dans la cité… ». Avec, en ligne de mire, la préparation du Centenaire du cinéma en 1995. Bientôt, bonne pioche, Chantal Andriot va déplier une histoire locale méconnue. Lorsque l’amie Michèle Gautier lui signale l’existence d’un carton, dans lequel de vieux films sont stockés. Il a réchappé du déménagement de l’office du tourisme, qui a quitté, en 1992, son pavillon dédié place Bel’air -là où sont aujourd’hui les toilettes publiques. Son responsable Gérard Féron avait prévenu. « Il y a des boîtes avec des bobines dans des sacs, il ne faut surtout pas les ouvrir : s’y trouve des films flammes* ». Précautionneusement, Chantal Andriot coule sa main dans les pochettes. Extrait un film… au potentiel explosif. Sans y toucher, elle l’emmène au laboratoire parisien Neyrac, spécialiste en restauration.
« Un joyau »
Le laboratoire révèle le film : tourné en noir et blanc, il est muet, c’est un petit format de 5’30 qui date de 1925. Les cartons -nos actuels bancs titres- sont signés Edition Natura films. Pour pouvoir les lire, ils sont dupliqués. « Avant, on projetait à 18 images seconde, ils ont été transformés en 24 images secondes ». De sorte, dans le même temps, de ralentir… le pas des personnages, qui reste toutefois un peu saccadé. La copie vidéo en 35 mm va à Langres, l’original, aux archives du film du centre national du cinéma, à Bois d’Arcy (Yvelines). C’est simple : « c’est un joyau ».
Troisième vie
« En 2007, Pierre Boespflug, en résidence artistique à Langres, compose une musique pour ces images muettes ». L’aventure du film flamme continue… En effet, « à l’époque, des musiciens accompagnaient les projections… ». Le compositeur travaille avec l’harmonie municipale. En mai 2008, année du Centenaire de l’OT, « Langres 1925 » est projeté au théâtre, avec l’accompagnement des musiciens. De quoi aiguillonner le directeur de l’école municipale de musique Marc Simonnot – sa partition sera pour deux pianos. Le hasard tombe à pic, la fête de la musique célèbre le Centenaire de la première musique de film. Samedi 21 juin 2008, la projection, répétée quatre fois dans la cour du cloître de Saint-Mammès, fait un tabac : 1 500 personnes sont là.
La machine à rêves qui marchent redémarrera-t-elle quand « Langres 1925 », attrapera cent ans ?
(*) ces films sur support celluloïd, qui datent donc d’avant les années 40, tirent leur nom du gaz qu’ils produisent, inflammable au contact de l’air.
Fabienne Ausserre
f.ausserre@jhm.fr
Remontée à la source
Chantal Andriot a pu reconstituer l’aventure de la réalisation de ce film.
1925 : il est commandé par le syndicat d’initiatives à la société Natura films de Paris ; qui le tourne en été ; deux adhérents du syndicat jouent les figurants : Abel et Pierre Delanne (les personnages coiffés d’un canotier). Le 13 octobre suivant, le syndicat d’initiatives visionne le film qui a coûté 2 500 F. Le 29 octobre, il est projeté au public dans le cinéma alors situé place Ziegler -le prix d’entrée est de 3 F et il est unique ; au regard du succès de la séance, une seconde projection a lieu le 3 novembre (Copyright archives personnelles de Chantal Andriot).