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Favoriser « les solutions fondées sur la nature »

Gonéri Le Cozannet, ingénieur au BRGM (Bureau des recherches géologiques et minières). © Vincent Michel / Ouest-France.

Entretien. L’eau, une ressource vitale et précieuse dans un monde qui se réchauffe. Au moment où s’ouvre la Cop 28, l’ingénieur Gonéri Le Cozannet, ouvre des perspectives d’adaptation au changement climatique.

Entretien avec Gonéri Le Cozannet, ingénieur au Bureau des recherches géologiques et minières (BRGM), contributeur du 6e rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) sur les impacts, l’adaptation et la vulnérabilité au changement climatique en Europe et en Méditerranée.

Qu’attendez-vous de la Cop 28 organisée à Dubaï ?

On attend des mesures concrètes et on espère une avancée sur les compensations financières aux pays pauvres. L’adaptation au réchauffement climatique n’est possible que dans un monde où l’on parvient à le stabiliser. La trajectoire actuelle, à trois degrés d’augmentation, nous projette vers une planète où personne n’a envie de vivre. On sait qu’on va dépasser les 1,5 °C d’augmentation, mais il faudra très vite y revenir, parce que c’est entre cette température et 2 °C que se joue, par exemple, l’avenir des coraux tropicaux qui hébergent 30 % de la biodiversité marine. Cela signifie également davantage de journées où les conditions deviennent létales à certaines heures pour des travailleurs extérieurs. 

À quoi ressemble un monde où l’évolution de la température est stabilisée à 1,5 °C ?

C’est un monde où chacun se dit que c’est une bonne idée de limiter le réchauffement climatique. La production d’énergie y est totalement décarbonée. Transports, agriculture, pêche… Tout tombe à zéro émissions nettes de gaz à effet de serre. Les entreprises, soucieuses de leur réputation, présentent des stratégies climat. L’agroécologie s’est développée. Les villes ont organisé la décarbonation des moyens de transport. Ceux qui sont inutiles sont évités, la marche, le vélo et les transports en commun sont privilégiés. Le trafic résiduel, celui dont on ne peut se passer, est totalement électrifié.

Un parfait contre-exemple, selon vous, ce serait quoi ?

Certaines villes continuent à aménager leur espace comme dans les années 1970. Où, pour refaire une rue, on a coupé les arbres pour faire de la place à des places de parking. On a donc aggravé les effets des îlots de chaleur et la dépendance à la voiture.

Le réchauffement climatique influence le cycle de l’eau. Comment ?

Ce qui est paradoxal, c’est que la même loi physique crée à la fois des situations de pénurie et des risques d’inondation. Un air chaud contient plus d’humidité. À chaque degré supplémentaire, l’atmosphère est capable de transporter 7 % d’eau supplémentaire, ce qui signifie des précipitations intenses, extrêmes, et des inondations.

En matière de gestion de la ressource, des modèles sont aujourd’hui critiqués et combattus…

Dessaler l’eau de mer avec une énergie carbonée n’est pas souhaitable. Stocker de l’eau c’est efficace, nous dit le rapport du Giec. Tant que l’on parvient à la collecter et que cela ne se fait pas au détriment des écosystèmes aquatiques et terrestres. Construire une méga-bassine, comme celle de Sainte-Soline (Deux-Sèvres), ça coûte quatre millions d’euros. La viabilité économique d’un tel ouvrage, financé par de l’argent public, a-t-elle été évaluée ? N’est-on pas en train de créer une dépendance à une eau abondante, verrouillant les agriculteurs dans des pratiques de cultures intensives ? Imaginons une sécheresse semblable à 2022 qui se prolongerait un ou deux ans de plus, privant les agriculteurs de ressources. Dans un monde à + 2 °C, ce scénario devient réalité.

Ces bassines sont-elles des exemples de mal-adapation ?

Trop souvent, ce sont les habitudes qui déterminent les seuils de prélèvement de l’eau, pas les critères scientifiques. Construire une bassine ou seize, sur un même territoire, ce n’est pas du tout la même histoire en termes de conséquences. La construction de ces ouvrages devrait être encadrée par des critères stricts. Elle devrait être soumise à la discussion. C’est ce que recommande le Haut Conseil pour le climat. Le risque avec les méga-bassines, c’est que le jour où une sécheresse pluriannuelle survient, les agriculteurs dont la production en dépend, se trouvent pris au dépourvu. Ils n’ont plus d’eau.

Comment stocker au mieux cette ressource vitale ?

Tout ce qui favorise l’infiltration dans l’écosystème et les sous-sols pour recharger les nappes mérite d’être envisagé. Cela suggère de limiter l’artificialisation des sols, de planter des haies… Toutes les solutions qui sont fondées sur la nature sont favorables. Une bonne adaptation serait d’encourager l’agriculture à migrer vers un système plus soutenable.   

Que faire pour définir une gestion durable de l’eau sur une planète plus chaude ?

Lancer des politiques qui tiennent compte de la demande et définir une réglementation qui favorise la réduction de la consommation. Cela passe également par la mise en place d’une tarification progressive d’accès à l’eau et de mesures qui permettent d’éviter d’en dégrader la qualité en limitant l’usage des nitrates, des pesticides. Ce chemin qui suppose de la concertation est la seule voie pour régler les conflits entre les usagers. Les partis politiques doivent être au clair sur ces sujets-là. Le Giec le constate : les parlements élus à la proportionnelle sont aussi les plus efficaces car le consensus est recherché.

Propos recueillis par Alan Le Bloa, Ouest-France

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