Fausse naïveté – L’édito de Patrice Chabanet
Les Américains restent des Américains. Leurs intérêts priment sur tout le reste. Ils ont toujours fait rimer alliance avec allégeance. Il y a quelques semaines, ils ont quitté en catastrophe l’Afghanistan. Leurs alliés ont été placés devant le fait accompli. Avant-hier soir, ils annoncent ex abrupto la vente de sous-marins nucléaires à l’Australie. Fini et jeté à la corbeille le contrat de 52 milliards signé par Paris avec Canberra. Coup de sang de la France qui rappelle ses ambassadeurs. A juste titre, l’attitude de Washington a été interprétée non seulement comme une manifestation de plus de l’imperium américain, mais comme un affront, un acte de désinvolture, de mépris sans fard.
A y regarder de plus près, les Américains ne font qu’appliquer une théorie en vogue en Europe, et singulièrement en France, celle du souverainisme. L’Amérique n’entend pas, et cela moins qu’avant, se soucier des autres. Obama s’était lancé sur cette voie : priorité au renforcement stratégique en mer de Chine. Trump lui a emboîté le pas, avec ses discours tonitruants. Biden, souvent perçu comme un dirigeant plus placide, a maintenu le cap trumpien. America first transcende les clivages internes. Souverainisme, souverainisme.
Avec l’affaire des sous-marins les Français ont les yeux qui se dessillent. Leurs moyens de rétorsion restent faibles et peuvent même les exposer à d’autres déconvenues humiliantes. Au Mali, nos troupes ont besoin des avions ravitailleurs des Etats-Unis et de leurs satellites d’observation. Une dépendance de plus. Bref, pour le dire vulgairement, on est mal barrés. Le rapport de forces n’est pas en notre faveur. Un solo souverainiste n’est pas convaincant, ni opérationnel. La mise au point d’un système de défense européen est tout aussi illusoire tant les divergences sont profondes entre les Etats-membres. Fort heureusement le risque de guerre sur le théâtre européen est bien moins grand qu’avant 1939. Il faut se raccrocher à cette réalité plus qu’à une aide des Etats-Unis au cas où…