Faits (pas) divers – L’édito de Patrice Chabanet
Entre l’évasion spectaculaire de Redoine Faïd, une nouvelle mise en examen de Nordahl Lelandais et les accusations-surprises de Jonathann Daval, la rubrique faits divers s’est notablement enrichie. Mais peut-on qualifier de « divers » des faits si singuliers tant dans leur contenu que dans leur impact sur l’opinion publique ? La sortie par les airs de Redoine Faïd nous fait plonger dans l’atmosphère des blockbusters américains, sauf que l’intéressé ne fait pas du cinéma et que son acte a ravivé le débat sur les failles de notre système pénitentiaire. Le fait divers s’est transporté dans la rubrique politique.
Nordahl Lelandais, présumé innocent selon la loi, mais lesté d’une troisième mise en examen pour agression sexuelle sur mineure de moins de 15 ans, donne l’impression de jouer un jeu macabre : attendre d’avoir les preuves sous le nez pour avouer ses forfaits. Il est devenu l’auteur potentiel de toutes les disparitions de sa région. Ce qui entretient l’espoir chez les proches des disparus d’apprendre un jour la vérité. De faire leur deuil, comme on dit. Quant au meurtre d’Alexia Daval, il donne lieu à un feuilleton de l’été bien particulier. Le mari de la victime nie maintenant l’avoir tuée, charge son beau-frère et ose la thèse du complot familial. On s’approche doucement d’une ambiance bien connue, celle de l’affaire Grégory.
Ces trois affaires en disent beaucoup sur notre époque. Leur hyper médiatisation, qui peut entraver l’action plus lente des enquêteurs, starifie les criminels, leurs proches et leurs défenseurs. Il y a aussi un autre acteur qui entretient la bonne marche de ce système, le public. Car ces faits divers, pas si divers que cela, dépassent la fiction et se renouvellent au fil des rebondissements. Le roman policier n’est plus romanesque. Il devient le récit factuel d’une histoire réelle. Il excite le voyeurisme, qu’on le veuille ou non. Il estompe la figure des victimes au profit du criminel ou du délinquant dont la psychologie est triturée. Une mise en lumière pas très ragoûtante.