Faire le ménage – L’édito de Patrice Chabanet
Le pape François, on veut bien le croire, est sincère quand il affirme vouloir engager l’Eglise dans une lutte sans merci contre la pédophilie, et les agressions sexuelles en général. Pendant quatre jours, tous les présidents d’épiscopats réunis au Vatican sont appelés à élaborer des méthodes « concrètes » pour mettre fin à ce fléau. Aide-toi, le Ciel t’aidera : il faudra une énergie surhumaine pour que l’Eglise retrouve sa crédibilité dans ce domaine. L’omerta a souvent été la règle pour couvrir des agissements ignobles. On l’a vu en France, des évêques ont dissimulé des pratiques inadmissibles, en déplaçant seulement les prêtres mis en cause et en demandant pardon aux victimes..Mais dans une époque où la parole se libère, les affaires sont remontées à la surface et ont donné une image glauque de l’Eglise. C’est ainsi qu’on s’est aperçu que dans des pays très catholiques comme l’Irlande la pédophilie avait été monnaie courante dans les orphelinats il y a encore quelques décennies.
François a donc décidé de frapper un grand coup en sensibilisant sa hiérarchie. Le « on ne savait pas » ne peut plus fonctionner. Le pape réussira-t-il là où ses prédécesseurs ont préféré fermer les yeux ou ont réagi mollement ? Rien n’est moins sûr. L’Eglise n’est pas un corps homogène. Il y a les partisans d’un vigoureux coup de balai. Il y a ceux qui estiment que laver cette énorme quantité de linge sale en plein jour ne peut que desservir les intérêts de l’institution. Le Vatican a un autre défi à relever : comment répondre à l’urgence – puisque c’est la situation d’aujourd’hui – avec des mesures qui prendront forcément du temps, qu’il s’agisse du recrutement des prêtres et de leur formation. Reste un problème, et pas des moindres. L’Eglise n’a jamais été à l’aise avec la sexualité, souvent ramenée au péché de chair. Ce discours a montré ses limites et ses paradoxes : il a laissé s’épanouir les déviances les plus sordides avec les créatures les plus innocentes, les enfants. Ce sont des siècles de silence coupable et complice que le pape doit rompre. Il en a la volonté, mais sûrement pas tous les moyens.