Face aux médias, penser ? Indispensable, mais pas simple selon la loge philosophique féminine
La loge philosophique féminine de Chaumont a un peu de peine en ce moment à commenter ce qui envahit l’actualité. Trop de déballages dans les médias, que ce soit l’affaire Depardieu et « les filles », ou Delon et sa fille, dans les deux cas, c’est « indécent ».
Catherine Boussard n’a jamais tenu le même métier, la même géographie, pas plus de six années du moins. Après il a fallu changer, expérimenter, découvrir, bouger. « La seule chose tenue durant 20 ans, c’est la franc-maçonnerie. Se regrouper, progresser, pas femmes de pouvoir mais potentiellement d’influence, non par la force mais par l’écoute… Ça n’a pas de prix ». Catherine Boussard est accompagnée de Françoise, qui, elle, souhaite demeurer anonyme : « Ma volonté d’apprendre au sein de nos groupes de réflexion ne regarde personne ».
Le « comité » a droit à son lot d’a priori. Soit. Penser ce qui les entoure, c’est un des buts de leurs réunions. Mais pas facile pour autant. Resserrer la focale sur ce qui envahit le paysage médiatique aujourd’hui est compliqué, entre prise en compte du « chacun » et largesse de point de vue : « Il y a tellement plus grave, plus préoccupant. Parlons d’actualité : Anouchka Delon pleure devant les caméras du JT, admet l’envie de suicide pour un Paris Match, pour de sinistres questions d’héritage, mais elle va bien. Mais qui est-elle ? Pourquoi la recevoir comme un ministre ? Depardieu est grossier et impardonnable, mais au vu des réels abus physiques commis à travers le monde, comme l’excision ou l’exhibition des corps des femmes en temps de guerre, on a envie de dire stop au déballage médiatique. « Il y a de réels soucis et le traitement télévisuel ou radio est souvent issu de réactions épidermiques. Ce qu’il faut contenir, c’est le coup de sang. Ce qu’apprend la réflexion. Se taire, écouter.
L’arbre qui cache la forêt
Selon Catherine Boussard, l’effet pervers du cas Depardieu est qu’on oublie tout le reste. Les abus, dénoncés par un petit microcosme, alias celui du cinéma ayant accès aux médias, risque d’étouffer bien d’autres injustices commises envers les femmes, mais moins médiatisées. « Et qu’elles parlent. Quitte à perdre leur travail, on sait qu’il ne s’en prenait qu’aux jeunes femmes fragiles (Depardieu), dépendantes d’un job ou d’un autre. Parler, c’est la clé. Mieux vaut un boulot de perdu qu’une vie de gâchée. » Concernant l’affaire Delon, les deux femmes sont circonspectes. « Etaler comme ça devant autrui ses propres exigences pour une succession réussie, c’est, encore une fois, indécent… Anouchka Delon, qui est-elle d’ailleurs, qu’a-t-elle fait, accueillie telle une présidente du FMI ? Ils sont hors sol, mais, en même temps, révélateurs de notre civilisation. », confient encore, Françoise et Catherine, de la loge chaumontaise.
La relation aux médias est indispensable, pour s’informer, garder le lien avec le monde, mais avec distance. Ecouter, mais penser par soi-même, pour soi-même, pour ou avec les autres.
Pas de politique ni de religion, mais…
Dire stop au royaume du sensationnel, apprendre à se taire et écouter, « c’est apaisant dans la vie ». Gérard Larcher qui lâche un « ferme ta gueule » à Mélenchon ? Pas si grave, notent ces dames, mais si le micro avait été ouvert à une femme, elle aurait trouvé moyen de remettre les pendules à l’heure sans grossièreté. Noté.
L’humanité, selon la loge, est apolitique de toute façon. La vertu du silence : apprendre à se taire permet d’écouter, donc, d’apprendre. Il semblerait que ce soit une vraie rééducation, ne pas réagir à chaud. C’est toujours mieux, avant « de l’ouvrir ». Ce qui peut aussi changer une vie, et permettre au final de mieux appréhender les conflits. Pour l’heure, les réflexions philosophiques de la loge féminine de Chaumont se développent davantage à l’international, plutôt qu’orientées sur nos cas médiatiques et territoriaux. Là où il y a tant à faire pour si peu de soutien. Anouchka Delon ou ce qui demeure ses semblables n’ont pourtant pas les mêmes soucis ni les mêmes audiences sur les chaînes nationales. Pas d’affrontement systématique, faire s’interroger l’autre, se taire parfois et écouter souvent, dédramatiser avec humour, autant de clés qui, pourquoi pas, nous rendront, hors de la télé, la vie plus simple. Les médias, oui, mais avant, la vraie vie.
Elise Sylvestre
