Ewen-ement et duels lexicaux en mode rap au lycée Eugène Decomble
Le jeune et prometteur rappeur chaumontais Ewen a partagé jeudi 8 février une soirée avec les élèves du lycée Eugène-Decomble. Prendre ses mots à pleine bouche et les jeter en public, défi pas évident mais relevé haut la main et tête haute.
A l’initiative de Manuel Henriot, professeur de français, Ewen, 20 ans, est venu présenter sa musique, sa prose et ses méthodes de travail aux élèves. En enseignement filière pro, la priorité n’est plus vraiment donnée ni aux mots ni à la musique, accessoires. « On est dans l’inattendu, je ne sais pas ce qu’il va se passer. Ces jeunes ont des a priori, peur des cours de littérature, peur d’écrire, de s’exprimer, de faire des fautes, et peur du jugement. Je leur dis que le français, c’est un outil, comme un marteau. N’ayez pas peur ». Ces jeunes, brisés scolairement, confondent intelligence et réussite scolaire. Manuel Henriot veut les ouvrir à tout moyen de verbaliser, créer le débat, se faire plaisir. L’expression prend plusieurs formes : « pourquoi ne pas tenter un exercice à travers les goûts musicaux ? Ils ne me croyaient pas quand j’ai évoqué des rappeurs en Haute-Marne. Ils ne sont pas si loin qu’ils le pensent d’Orelsan, par exemple ».
« C’est chiant la poésie, mais c’est important »
Ewen vit à proximité de Chaumont, cela fait cinq ans qu’il se dédie pleinement à la musique. « De père, il n’y en a pas. Ma mère croit en moi, c’est ce qui me pousse. Au final je suis comme eux (les élèves, Ndrl), j’avance mais je ne sais pas où je vais. Je n’étais pas scolaire non plus, mais je me suis emparé des mots. Je n’ai aucune certitude, je ne viens pas leur expliquer la vie. Je veux « la bouffer », mais j’ai plein de doutes. Moi et eux, on est au même endroit. » Ewen ne désespère pas non plus de convaincre certains réfractaires à son mode d’expression, « ouvrir les oreilles » à un genre qui met en avant les mots, jetés comme cailloux qu’on aimerait longs ricochets sur l’eau. Poésie de son temps.
Se clasher, s’en mettre plein la rime
Ewen a proposé aux élèves un exercice qu’il pratique souvent dans la capitale, pour se mettre au défi, en danger, et progresser : le clash. Improviser quelques strophes, développer une rhétorique déstabilisante, souvent moqueuse (et ta mère…) et forcer celui en face à faire autant voire mieux : bagarre des mots. Plusieurs groupes se forment et rédigent dans l’improvisation de quoi défier Ewen, soudain bien seul quoiqu’aguerri. « On dit qu’tu vas devenir connu – Mais pour l’instant tu dors encore cul nu… Chez tes darons ». Ou encore « T’as pas de dégaine, malgré tes belles chaussures pour la traîne. On te finit sur ce clash, retourne boire ton panach’ ». Sous les applaudissements et les rires, bon joueur, Ewen se garde le mot de la fin. « Je suis à Eugène-Decomble – En face de pas mal de cons – Un comble, épais comme des épées ».
Le thème proposé par Ewen était l’ambition, qu’il encourage à ne jamais perdre de vue, avec sincérité et dans le respect d’autrui. Ouaich.
Elise Sylvestre