Eurovision : la belle expérience de Juliette Moraine
Juliette Moraine, originaire de Joigny (Yonne) faisait partie des douze candidats en lice pour représenter la France à l’Eurovision 2021. Elle a présenté la ballade “Pourvu qu’on m’aime”. La jeune femme devrait sortir son premier album cette année. Elle nous parle de son parcours qui, petit à petit, l’a conduite à se trouver.
Le Journal de la Haute-Marne : Quand et comment avez-vous découvert la musique ?
Juliette Moraine : J’ai commencé par le violoncelle, quand j’avais 5 ans, à l’école de musique. Le chant est arrivé un peu plus tard. Je me suis mise à chanter quand j’étais au collège et puis j’ai débuté le chant lyrique vers mes 14 ans. A 16 ou 17 ans, je faisais partie d’un groupe de rock.
Le JHM : Qu’est-ce qui vous a plu dans le fait de chanter ?
J. M. : C’était simple, pour moi. Je m’arrachais les cheveux avec le violoncelle, mais avec le chant, je ne me posais pas de questions. Quand j’allais en cours, ça sortait tout seul. Je trouvais ça très agréable à faire et les gens avaient l’air d’apprécier. Bien sûr, le violoncelle m’a aidée : ça a développé mon oreille.
Le JHM : A cet âge, vous saviez que vous vouliez travailler dans la musique ?
J. M. : Non, parce que je ne savais pas que c’était possible d’en faire un métier. J’écoutais énormément de musique et je regardais beaucoup de comédies musicales. Mais je voulais être hôtesse de l’air. Je voulais voyager, apprendre plein de langues, et chanter à côté.
Le JHM : Qu’avez-vous fait après le bac ?
J. M. : Je suis partie un an aux Etats-Unis, pour apprendre l’anglais. Je me suis retrouvée dans un lycée un peu à la “Glee”, à Hanover, dans le New Hampshire. Tous les matins, j’avais cours de chorale et l’après-midi on montait des spectacles : “The Phantom of the opera”, “Grease”… Je me suis rendue compte que j’adorais ça et que c’est ça que je voulais faire : chanter, danser, jouer la comédie. J’ai eu un vrai déclic. Je suis aussi partie aux Etats-Unis parce que j’ignorais ce que je voulais. Je ne voulais pas faire comme tout le monde, mais je ne savais pas ce que j’aimais.
Le JHM : Mais après cette année, vous êtes revenue avec la conviction que la musique était faite pour vous ?
J. M. : Oui ! Après mon retour, j’ai trouvé l’ECM de Paris (Ecole de comédie musicale). On a fait un deal avec mes parents : ils m’aidaient à la payer, mais il fallait que je continue mon apprentissage de chant lyrique au Conservatoire à Paris. J’ai dit, qu’à cela ne tienne ! J’ai fait les deux, en même temps. C’était dur, mais j’ai tenu deux ans. Je devenais schizophrène parce que l’une m’apprenait quelque chose mais l’autre détruisait ce que je venais de voir. Ce sont deux techniques de chant différentes, mais ça m’a permis d’avoir une technique solide.
Le JHM : Grâce à ces deux écoles, vous avez appris à chanter dans des styles différents. C’est une force ?
J. M. : C’est très bien en comédie musicale. On est censé être des caméléons. Donc c’était une chance. Cependant, c’est vrai que ça m’a un peu desservie quand j’ai fait The Voice. On m’a demandé ce que j’étais, ce que je voulais chanter, mais je ne savais pas. Ça m’a posé problème à ce moment-là. Dans un programme comme ça, ils avaient besoin de remplir des cases. Je me suis rendue compte qu’il fallait que je sache ce que je veux et qui je suis. Et ça m’a pris sept ans.
Le JHM : Que s’est-il passé pendant ces sept ans ?
J. M. : Après The Voice, j’ai enchaîné pas mal de concerts et fait plein de choses. Et puis j’ai pris une pause, pour essayer de me trouver, justement. J’ai aussi passé les auditions pour “Roméo et Juliette, la comédie musicale”. Cela fait cinq ans que je suis la nourrice. On tourne en Asie et on a commencé à tourner en Russie, l’année dernière. Je vis de ça. Mais sinon, je me suis cherchée. J’ai bossé avec des copains qui eux, avec beaucoup d’amour, ont cru savoir exactement ce qu’il me fallait. Ils m’ont écrit des chansons. Mais jamais rien n’a vraiment abouti parce qu’il y avait quelque chose qui ne cliquait pas. A chaque fois, ça s’est cassé la gueule. Et puis l’année dernière, en janvier, j’ai rencontré des gens avec qui je suis allée en studio. Ils m’ont dit “Tu ne sais pas qui tu es. Trouve-toi, réfléchis à ce que tu veux.” Je me suis dit, c’est dingue ! Six ans plus tard, je suis toujours paumée. Et puis le coronavirus est arrivé… J’ai été obligée de me confronter à moi-même. Je me suis mise à écrire mes premiers morceaux.
Le JHM : Comment ce processus d’écriture s’est-il passé ?
J. M. : Je me suis mise à mon piano et j’ai sorti ce qu’il y avait dans ma tête en essayant de ne pas me juger. Les premiers textes, dont “Pourvu qu’on m’aime” étaient assez simples à sortir. En fait, je me suis demandé quel était mon problème. Des amis m’ont dit que je suis constamment insatisfaite et que je cherche l’amour de tout le monde. Cette chanson est donc venue d’une traite, comme la plupart des autres textes. Ensuite, je suis allée voir mon pianiste. Quand j’ai vu que ça lui plaisait, j’ai trouvé ça génial… Et puis, j’ai vu l’annonce de l’audition de l’Eurovision. Ils demandaient d’envoyer des chansons originales. J’avais vraiment juste le piano-voix de “Pourvu qu’on m’aime” qu’on avait enregistré, la version la plus brute.
Après, pendant l’été, je suis partie et j’ai profité. Fin août, ils (les casteurs de l’Eurovision, Ndlr) m’ont rappelée, en me disant qu’ils aimaient beaucoup cette chanson et que je passais à l’étape d’après !
Le JHM : Pourquoi avez-vous choisi d’envoyer cette chanson ?
J. M. : Pour moi, c’était l’une des plus abouties. Rien qu’en piano-rush, je trouvais qu’elle était efficace et qu’elle racontait une histoire. C’est ce que je veux. Je ne veux pas juste chanter pour chanter. D’ailleurs, ça a été dur la première fois où je l’ai interprétée, j’avais des gros sanglots qui montaient, parce que c’est tellement personnel.
En même temps, je me suis rendue compte qu’on fait tous ça : faire en sorte que d’autres personnes nous aiment et toujours paraître sous un bon angle. Depuis un mois, ça me touche de recevoir les messages des gens. De toute origine, de tout âge, de tout sexe, ils me disent qu’ils se retrouvent dans ces paroles. Ce n’est pas facile d’être soi-même aujourd’hui.
Quand j’ai été pré-sélectionnée, je me suis renseignée sur l’Eurovision. Ceci dit, j’ai toujours gardé un œil sur ce concours, ce spectacle un peu fou, où les gens viennent comme ils sont. L’un dans l’autre, ma chanson parle de ça, en sous-texte : être soi et s’accepter. Et on a besoin d’union, surtout aujourd’hui, après l’année qu’on vient de passer.
Le JHM : Que retiendrez-vous de cette expérience ?
J. M. : C’était une folie, parce que ça a mis en lumière cette chanson, qui compte beaucoup pour moi. Et j’ai rencontré des personnes géniales. Je m’entends avec tout le monde, c’est un peu la colo ! J’avais adoré ça sur The Voice, aussi.
Propos recueillis par Clotilde Percheminier
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