Eteindre la mèche- L’édito de Patrice Chabanet
Alain Juppé voulait rester droit dans ses bottes. Emmanuel Macron, lui, veut assumer. Mais l’opiniâtreté et la constance ne sont pas toujours bonnes conseillères en politique. La fronde que l’on voit se dessiner dans le pays contre la hausse du prix des carburants devient une mèche lente qui conduit directement vers quelque chose d’incontrôlable. Du coup, le discours officiel commence à changer, mezzo voce. Des « mesures d’accompagnement » sont à l’étude, notamment en direction de ceux qui doivent faire un long trajet pour aller travailler. Elles s’inscriraient dans le sillage des dispositions déjà mises en place par certaines régions comme les Hauts-de-France sous forme de chèque-carburant. L’Etat pourrait défiscaliser ces aides. Mais une fois qu’un mouvement de protestation est lancé, toute concession entre dans la catégorie « trop peu, trop tard ». C’est bien là que le bât blesse pour le gouvernement. La capacité d’écoute de cette opposition diffuse va diminuant. Pourtant plusieurs alertes avaient été lancées par des parlementaires de la majorité. La réduction de la vitesse à 80 km/h sur le réseau secondaire n’avait pas convaincu.
Plus important encore, c’est la coagulation des mécontentements qui donne une certaine vigueur à la contestation sur le prix des carburants. La question du pouvoir d’achat redevient centrale. Les retraités, mécontents du blocage de leurs retraites, très souvent des automobilistes eux aussi, se retrouvent dans un mouvement beaucoup plus vigoureux. Du coup, l’impératif de la transition écologique passe au second rang. Idem pour les explications rationnelles : l’opinion publique ne fait plus vraiment le distinguo entre augmentation du pétrole (bien réelle et bien lourde) et augmentation des taxes. Autant de failles dans lesquelles se faufile l’extrême droite. C’était plus que prévisible. A l’évidence, le centralisme parisien des grands cabinets ministériels a projeté, prévu et imaginé, sans mesurer l’impact immédiat de mesures forcément impopulaires dans un premier temps. Les citoyens de ce pays se méfient toujours des promesses dans un second temps.
Publié le 06 novembre 2018