“Et vous passerez comme des vents fous”, de Clara Arnaud, Editions Actes Sud
“Et vous passerez comme des vents fous” est un roman qui se déroule dans les montagnes pyrénéennes où survivent encore les traditions de l’estive, déplacement saisonnier des troupeaux d’ovins, rendu plus périlleux par la réintroduction des ours.
« On avait oublié comment faire avec les ours. On avait désappris à vivre à leurs côtés ». Clara Arnaud livre ainsi le thème de ce beau roman, une ode à la nature de cette belle région pyrénéenne qui a gardé un aspect sauvage, s’interrogeant sur le sens de ce mot pour les hommes et sur les relations de nos contemporains avec les animaux que l’on ne peut ni contrôler ni vraiment domestiquer.
Elle imagine habilement une intrigue où se mêlent les destins de deux femelles ourses et des hommes qui vont les croiser.
Au XIXe siècle, dans le petit village d’Arpier où vivaient encore des ours, un bébé femelle est capturé dans une tanière par un jeune homme aventureux qui le dresse et va devenir un montreur d’ours que l’on suit jusqu’aux Etats-Unis…
La panique
De nos jours, quelques ours ayant été réintroduits dans les Pyrénées, une femelle ourse mère de deux oursons, sème la panique parmi les troupeaux. Très difficile à repérer, d’une intelligence exceptionnelle, elle défie tous les pièges qu’on lui tend. Gaspard, devenu berger par vocation, se prépare à sa cinquième estive avec appréhension car, l’année précédente, un mouvement de panique dû à l’ourse a provoqué un drame.
Le lecteur grimpe avec lui dans la montagne et devient berger : « Cette chorégraphie entre le binôme homme chien et le troupeau », ce dur métier qui réclame « des connaissances botaniques, topographiques, météorologiques, vétérinaires et un moral à toute épreuve ». Alma, de son côté, gravit aussi la montagne mais, en tant que chercheuse au Centre de biologie comportementale, elle est chargée du suivi de cette ourse, animal protégé. Et l’ourse, comme on le devine, va commencer ses incursions sanglantes…
Un magnifique roman qui célèbre la nature sauvage : « Tout autour, elle sentait la forêt bouger, la montagne respirer, et elle comprit ce qu’elle avait trouvé ici, une solitude pleine… Un écart au monde, un pas de côté, un refuge ». Clara Arnaud met ces mots dans la bouche d’Alma. Pour préparer son récit, cette grande voyageuse s’est installée trois ans en Ariège dans une vieille maison de pierre en altitude, a côtoyé les bergers, s’est plongée dans les archives « tout en tentant de saisir la complexité du retour sur un territoire, d’un grand fauve qui bouleverse les rapports de force et met à mal les fragiles équilibres du pastoralisme ».
Un thème d’actualité dans une Haute-Marne où la réintroduction du loup fait couler beaucoup d’encre…
Françoise Ramillon