Environnement : des mâchefers déposés illégalement puis retirés à Ozières, en Haute-Marne
En Haute-Marne, un dépôt de mâchefers a été jugé illégal à Ozières, à proximité de Bourmont, avec, pour conséquence, une mise en demeure de l’entreprise de transport de retirer les déchets. Explications et réactions.
A l’automne 2020, l’Office français de la biodiversité a alerté les services de l’État sur des agissements au niveau d’un terrain privé d’Ozières. En cause : l’enfouissement de déchets issus du centre de valorisation de Chaumont. Il est question de mâchefers d’incinération d’ordures ménagères aussi appelé MIOM transportés par la société No-Stres.
Après croisements d’informations entre les constats effectués sur place par l’administration, les déclarations recueillies et les documents consultés, l’inspection des installations classées de la DREAL Grand Est a acquis une certitude sur 300 tonnes de déchets enfouis. Ils correspondent à deux journées de transport et le va-et-vient d’une douzaine de camions ce qui fait dire à Eric Kims, le maire d’Ozières, que ce constat « ne le satisfait guère ». Il s’interroge sur les autres camions observés depuis le premier confinement de mars 2020.
Constats factuels
Les constats factuels de la DREAL ont été transmis au procureur de la République afin qu’il puisse engager des suites pénales étant donné que le dépôt de mâchefers est très réglementé (voir encadré) et que celui-ci s’avère illégal. Mais, selon la DREAL, « il est possible que des volumes supplémentaires de déchets aient été impliqués sans qu’elle n’en ait acquis des preuves suffisantes ». Elle ajoute : « d’après certaines déclarations recueillies au cours de l’enquête, des déblais issus de chantiers du Grand Paris peuvent notamment avoir été utilisés sur le chantier d’Ozières en complément des mâchefers ». Elle précise enfin : « toutefois, si ces déchets sont inertes, leur utilisation sur ce chantier ne va pas à l’encontre de la réglementation ».
Au bout du compte, afin d’assurer que l’ensemble des déchets non inertes et donc non stabilisés (mâchefers ou autres), sans limites de tonnages, soit retiré des terrains d’Ozières, l’arrêté de mise en demeure pris par le Préfet de la Haute-Marne, le 22 mars dernier, à l’encontre de la société No-Stres, exige « la remise en état des terrains, notamment par retrait de l’ensemble des déchets non dangereux non inertes ». L’entreprise avait six mois pour se mettre en conformité mais elle a choisi d’agir rapidement puisque vendredi dernier, elle a procédé au retrait de trois camions soit 75 tonnes de mâchefer. Le tout sous constat d’huissier à sa propre initiative.
Le directeur de la société reconnait la faute et « assume l’erreur commise ». Pour lui, « l’affaire est close » tout en précisant que les remblais autres que le MIOM ne sont que de la terre et des pierres. Il insiste aussi sur les MIOM présentés comme des résidus inertes et valorisables dans les techniques routières. Il conclut : « en l’utilisant en “circuit court”, ils permettent également une réduction les bilans carbone ».
Frédéric Thévenin – f.thevenin@jhm.fr
Les MIOM et leur utilisation
Les mâchefers sont les résidus solides qui résultent de la combustion en sortie basse du four d’incinération des déchets ménagers. A la société haut-marnaise de valorisation des déchets, sa production suit un processus précis avant de sortir du site. Aziz Machkour, son directeur, parle du retrait des métaux, de maturation pendant deux mois, d’échantillonnages, d’analyses chimiques… Le tout permet de dire si les mâchefers sont valorisables (ou pas). A Chaumont, au centre de valorisation, 100 % le sont et peuvent partir, par exemple, pour construire des routes. Aziz Machkour explique que « cette ressource recyclable qui entre dans une économie circulaire est extrêmement cadrée par la réglementation ». Il évoque, notamment, les chantiers qui doivent être homologués, jugés conformes sur avis de géologue et d’après le guide Sétra des projets routiers. Or, celui d’Ozières apparaît comme « un site irrégulier » qui n’entre pas dans la traçabilité habituelle. Ce lieu n’avait pas été porté à la connaissance du directeur du centre et n’apparaissait pas sur les bordereaux d’enlèvement. Il parle d’une erreur d’aiguillage du transporteur sans en être informé et sans donner son accord sur le site d’Ozières. A la suite de l’enquête administrative, l’usine d’incinération a eu une simple mise en demeure de « destination conforme des mâchefers ». Il faut dire qu’en 2020, près de 700 enlèvements de mâchefers ont été réalisés à Chaumont pour un tonnage de global de 19 662 tonnes.