Entre les lignes
Enchaîner les lignes : tel était l’échappatoire de jeunes gens d’une bourgade haut-marnaise. Affichant des casiers judiciaires plus ou moins chargés, sept consommateurs ont été condamnés à différentes peines susceptibles de participer à la réussite de leurs nouvelles vies.
Enième affaire de stupéfiants et lancinant refrain… Depuis quelques années, l’Europe est confrontée à un pic record de consommation d’héroïne. Ce constat est directement lié au théâtre afghan. Afin de financer diverses actions armées, terroristes et insurgés ont intensifié la culture de pavot à opium. Entre 200 000 et 300 000 hectares seraient ainsi cultivés. A cette réalité s’ajoute une certaine passivité des pays composant la Force internationale d’assistance et de sécurité (FIAS). Malgré quelques incitations au développement de cultures vivrières, les membres de la coalition jouent un rôle ambiguë. Aucune destruction massive des surfaces cultivée n’a ainsi été opérée. Le soutien de certains chefs de guerre a également été scellé au terme de négociations directement liées à la culture de pavot à opium. Des Afghans cultivent ainsi des milliers d’hectares en toute impunité. Utilisés au Vietnam à l’encontre de civils, les stocks de défoliants sont visiblement vides…
De l’Afghanistan à la Haute-Marne
Partie d’Asie centrale, l’héroïne transite via Iran, Russie et pays des Balkans avant d’inonder les pays de la communauté européenne. Arrivé aux Pays-Bas, principale plaque tournante d’Europe de l’Ouest, le gramme d’héroïne – vendu entre quatre et dix euros – achève son parcours en Haute-Marne où son prix oscille entre vingt et quarante euros. En bout de chaîne, des toxicomanes avilis par la dépendance se présentent en nombre à la barre du tribunal correctionnel.
Jordan White, Jack Duluoz, Xavier Red, Harry Goldfarb, Dark Smith, Estelle Miller et Tyron Love sont de ceux-ci. Résidant dans une bourgade du centre du département, tous sont tombés dans les affres de l’héroïne. Certains s’en sont sortis, d’autres se disent toujours accrocs. Confrontés à la multiplication des affaires de stupéfiants, les avocats peinent à trouver les mots. Sylvie Cotillot et Stéphanie Blanchard auront souligné les difficultés et efforts de chacun tout en s’interrogeant sur l’existence de poursuites à l’encontre d’un habitant de Liffol-le-Grand (Vosges), désigné comme le principal fournisseur de simples consommateurs. Dans un élan militant, Sylvie Cotillot aura également invité les magistrats à découvrir les conditions de travail dans les forges du département. Oui, la plupart des prévenus travaillaient au moment des faits. «Par le passé, les ouvriers buvaient pour supporter leurs conditions de travail, désormais ils se droguent», soulignait Me Cotillot. Plus ou moins lourdes, les peines pouvaient être prononcées (lire ci-dessous).
Problème de santé publique
Les condamnations n’effacent pas les causes et conséquences d’un véritable fléau. Consommer de l’héroïne, produit associé aux notions de mort et de décadence, n’est pas anodin. Les difficultés familiales rencontrées par certains n’expliquent pas tout. La Haute-Marne fait office de terreau fertile, déclin économique, cloisonnement rural et faiblesse de l’offre culturelle participant au mal être – avéré – de jeunes inquiets quant à leur avenir. Habituée à figurer aux dernières places de classements divers et variés, la Haute-Marne figure parmi les départements les plus touchés par la toxicomanie. Les réponses humaines et matérielles apportées à ce fléau sont des plus limitées. Condamnés à se tourner vers des médecins généralistes ne disposant pas toujours de formations adéquates, les consommateurs s’en remettent à une dépendance médicamenteuse. Prescriptions de Subutex et Méthadone – principaux traitements de substitution – ne cessent ainsi d’augmenter pour le plus grand bonheur des groupes pharmaceutiques. Problème majeur de santé publique, la toxicomanie occupera une bonne partie des audiences à venir. Le pavot continuera à fleurir dans les majestueuses plaines afghanes.
Des peines plus ou moins lourdes
Privilégiée par les marchands de misère du fait de sa puissance addictive, l’héroïne laisse d’indéfectibles traces. Plus ou moins marqués – physiquement et psychologiquement – par les centaines de rails sniffés en solitaire ou entre amis de défonce, les prévenus affichent différents parcours depuis leur interpellation survenue en février 2011. D’une apparence gracieuse, Estelle Miller a affirmé en avoir fini avec l’addiction, la jeune femme n’ayant plus recours à un traitement de substitution. D’autres sont soumis à un traitement contraignant, certains avouant quelques brèves rechutes.
Les différents degrés d’implication et passés judiciaires des prévenus ont joué un rôle majeur. Harry Goldfarb, Dark Smith et Estelle Miller ont été condamnés à 2 000 euros d’amende dont 500 avec sursis. Sans emploi, Xavier Red a écopé de 160 heures de Travail d’intérêt général. Répondant de faits de cession et ayant fait l’objet, par le passé, de poursuites pour des faits liés aux stupéfiants, Jordan White et Jack Duluoz ont respectivement été condamnés à 18 et dix mois de prison intégralement assortis d’un sursis avec mise à l’épreuve incluant des obligations de soins et de travail. Comptant sept condamnations à son casier judiciaire – notamment pour des faits d’usage, usage en récidive, transport et importation de stupéfiants -, Tyron Love s’est vu prononcer une peine de 18 mois de prison – dont douze assortis d’un sursis avec mise à l’épreuve – pour des faits d’acquisition, de transport, de détention, d’usage et d’offre et cession de stupéfiants commis du 14 février 2008 au 14 février 2011.