Engrais ou drogue ? Une mystérieuse poudre blanche lui vaut 3 ans ferme
Ce vendredi 11 août au tribunal correctionnel de Chaumont comparaissait un homme pris en flagrant délit de transport de produits dangereux pour la santé, sans autorisation. Drogue ? Pas exactement…
L’affaire aurait pu n’être qu’un « banal » trafic présumé de stupéfiants. Mais voilà, ce n’est pas si simple. Pour cause : parmi les 21,349kg de poudre blanche retrouvés le 11 juin dernier dans la Mercedez que conduisait le prévenu, il n’y a aucune trace de drogue. Alors, comment qualifier le délit ?
Voici les faits. Sur l’aire d’autoroute Val-de-Meuse, à Montigny-le-Roi, la douane contrôle le véhicule d’A. S., Polonais qui, selon ses dires, est installé depuis six mois en Espagne. La voiture n’est pas à lui. Au fond du coffre : une cache aménagée, avec 9 sacs contenant une poudre pouvant s’apparenter à de l’héroïne. Il faudra pas moins de trois analyses pour en comprendre la nature.
La première, celle des douanes, reconnaît l’absence d’héroïne. La contre-expertise, en laboratoire, détecte ensuite la présence d’une substance inscrite sur la liste des produits stupéfiants. Problème : celle-ci aurait pu être générée chimiquement au cours de l’analyse. Troisième expertise : la poudre serait un acide glycolique. Ce n’est pas un stupéfiant mais un « précurseur », soit la matière à partir de laquelle on pourrait fabriquer une drogue de synthèse.
« Complicité » de trafic ?
L’étude du téléphone -acheté sous un faux nom- revèle que le prévenu venait des Pays-Bas et a effectué 5 autres trajets en Europe depuis janvier 2023. « Reconnaissez que tout ça interroge », interpelle le président du tribunal, Anne Courcet-Desvaux. Écroué le 14 juin, A.S. effectue deux mois en détention provisoire, à Chaumont puis à Épinal, explique Me Lalloz, son avocate. En droit commun, il comparaît à délais différé pour transport, détention et importation non autorisés de stupéfiants. L’infraction douanière relève quant à elle le transport, détention et importation non autorisés de produits dangereux pour la santé.
« C’était tout l’enjeux de ce dossier : faires les analyses. Nous savons que les exportations de drogues de synthèse vont croissant en Europe«
Le procureur de la République demande de requalifier l’infraction douanière pour reconnaître la « complicité » du prévenu dans un trafic de stupéfiant. L’administration des douanes -qui n’est pas présente au procès- requiert 114 000€ d’amende. Le procureur, quatre ans ferme.
« Je ne suis pas chimiste !«
A.S. plaide innocent. La poudre servirait à faire de l’engrais pour ses plantations de fraises, en Espagne. Aux Pays-Bas ? Il apportait de l’argent à son fils, qui y effectue une peine de prison. Me Lalloz demande la relaxe : « Il a acheté cette poudre sur un marché, en tant qu’engrais, pour une valeur de 70€. Ça n’a rien à voir avec un trafic de drogue ».
Trois ans ferme
Le tribunal tique sur ses antécédents du prévenu. Recherché en Pologne, il est connu des justices allemande et belge notamment pour falsification de documents et pédopornographie. « Ce sont des infractions à valeur lucrative« , relève la Juge. Relaxé en droit commun pour transport, détention et importation de stupéfiants, il est reconnu coupable de l’infraction douanière, requalifiée en transport, détention et importation de produits « précurseurs de stupéfiants ». Il écope ainsi de trois ans ferme et 114 000€ d’amende. Faute de preuve, la requalification en « complicité de trafic » est rejetée.
S.C