Hausse des prix des énergies : la colère des boulangers
Ne vaudrait-il pas mieux mettre la clé sous la porte ? Certains boulangers se posent sérieusement la question alors que le coût des énergies flambe avec des factures d’électricité et de gaz multipliées par trois en 2023. Le pétrin est plein, il déborde même dans les fournils.
La flambée du prix des énergies frappe de plein fouet nombre d’activités économiques. Il est un métier qui sévèrement touché par cette inflation : la boulangerie. Les trésoreries ont déjà été mises à mal cette année par la hausse du prix des matières premières : sucre, matières grasses, farine. Elles ont été fragilisées aussi par la hausse du prix des carburants car certains boulangers font encore des tournées en milieu rural. Des habitants dans les villages ne voient plus que le facteur et le boulanger.
Et là, le troisième coup de balancier arrive. Il risque d’être fatal à de nombreux artisans. Nous en avons rencontré trois ce lundi 21 novembre à Nogent, dans le fournil de Cyrille et Pascale Verney. Leur confrère de la cité coutelière, Julien Depoilly, qui a repris une affaire il y a deux ans, était là. Tout comme Sandrine Payo, qui avec son époux Pierre, sont boulangers à Biesles. Leur colère et leur désarroi ne sont pas feints. Toute une vie de dur labeur pour en arriver là : les époux Verney et Sandrine Payo sont abattus.
Mettre la clé sous la porte
La hausse du prix des énergies fait vaciller leurs affaires. « Les comptables nous conseillent de mettre la clé sous la porte », rapporte la boulangère de Biesles. Dans le cas de son activité, la situation est simple à comprendre : le prix de l’électricité et du gaz seront multipliés par trois l’an prochain. De 6500 € par an, la facture de gaz passera à 19500 €, comptez à peu près la même chose pour l’électricité. « 40 000 euros à sortir sur une année, vous voulez qu’on les trouve où ? », se désespère la boulangère.
La facture EDF passera de 6 000 à 18 000 €
Pour Cyrille Verney, la facture EDF passera de 6000 à 18 000 €, « par chance, mon four fonctionne au bois », lâche-t-il, excédé par la situation. « Et on n’arrive à joindre personne. EDF m’a donné un numéro à appeler et personne ne répond jamais », déplore le boulanger, « je travaille comme un con depuis l’âge de 15 ans, j’en ai 54 ! Et là, demain, je vais ouvrir ma boulangerie juste pour manger ma baguette de pain ? », questionne l’artisan qui en veut aux politiques de ne pas réagir. « Ils veulent la disparition des petits artisans. C’est ce qui va se passer », ne décolère-t-il pas. Ce mardi, le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, a défendu son plan d’aides aux entreprises.
Tout revoir à la baisse
Pour protester, il ira mercredi à sa banque pour faire suspendre tous les prélèvements. « Nous, on ne peut pas faire notre bilan car il est impossible de récupérer les factures d’électricité et de gaz », soulève Sandrine Payo. Diminution des tournées, réduction des horaires d’ouverture des magasins, réduction du nombre de salariés, les boulangers cherchent la parade. Mais ils en ont gros sur le cœur. Si c’était à refaire, Julien Depoilly ne reprendrait pas une affaire. « Ça a été une année », dit-il, « et en 2022, j’ai tout pris dans les dents. » Julien Depoilly avait ouvert un multiservices à Sarrey il y deux ans, il mettra la clé sous la porte le 31 décembre.
Céline Clément
Pas de manifestation à Chaumont
Sur les réseaux sociaux, Cyrille Verney annonçait en fin de semaine dernière qu’il se rendrait ce lundi 21 novembre chez EDF à Chaumont « pour demander des explications. » Sa vidéo a fait le buzz et du monde était prêt à venir soutenir le boulanger de Nogent. Mais il a renoncé, « car il n’y a plus de bureau EDF à Chaumont », dit-il. « En plus, on m’a dit qu’une manifestation devait être déclarée », déplore-t-il, « je n’ai pas envie en plus de me prendre une amende », souligne-t-il, très remonté. Il espère que son coup de gueule fera réagir ses collègues. Lui, il a décidé, pour protester contre ces hausses du prix des énergies, de suspendre ses prélèvements. « EDF sera bien obligée de m’appeler », escompte-t-il.
Qui voudrait payer une baguette 3 € ?
Pour absorber ces coûts liés aux énergies, les boulangers pourraient augmenter leurs prix. Sauf que, du côté des consommateurs, ça ne passerait pas. « Il faudrait que je vende la baguette 3,15 €. Il faudrait que je passe ma brioche de 5 à 10 € », a calculé Cyrille Verney. Il connaît la réponse. Personne n’est prêt à mettre ce prix.