En « quête incessante » de son grand-père déporté André Besancenot
Sa mère lui avait toujours dit que son grand-père avait été un grand Résistant. Adulte, Sylvie veut lever le mystère de son évocation. Sa quête prend fin dans une clairière, où son parent gît après avoir été déporté dans le camp commando de Watenstedt.
« Ma quête de ce grand-père mystérieux a été incessante ». Fillette, Sylvie Besancenot entend « toujours » sa mère évoquer le souvenir de « ce grand Résistant ». Son ombre tutélaire va préserver l’enfant, chaque jour davantage. Au point que la nécessité de reconstituer son histoire va s’imposer. D’autant qu’en se retrouvant, toute petite, éloignée de son père, son grand-père symbolise son lien de filiation. « J’ai fait tous les Besancenot de l’annuaire à Langres ». Le premier appel est le bon, Sylvie commence à tirer sur le fil qui va l’amener à démêler la pelote des secrets. « J’ai retrouvé une cousine qui avait des tas d’informations sur André Besancenot, c’est grâce à elle que j’ai pu mener mes recherches à bien ». Peu importe la distance qui sépare les parentes, elles passent « des heures au téléphone ». La cousine adresse des colis remplis de documents à Sylvie. La voici dans les pas de son grand-père langrois André Besancenot, mort en déportation, « le jour de la libération du camp de Watenstedt, contraint de travailler à la fabrication des V2 à Salzgitter aux usines Hermann Göring ». Dans le sillage du sapeur-pompier André Besancenot, qui était du petit noyau des Résistants à avoir su faire exploser la Poudrière de Langres, le 13 septembre 1943.
Sépulture dans une clairière
« C’est dans le troisième train, qui va de Bâle à Brunswick, qu’en regardant la campagne défiler, j’ai pensé que mon grand-père était passé là… ». Le cœur serré, Sylvie se dirige vers le camp de concentration de Watenstedt, un voyage de presque douze heures au total. « Après un moment de confusion, les Allemands, très méticuleux, ont retrouvé mon grand-père, son matricule… ». André Besancenot a échappé au supplice de la Grande marche au prix de sa vie, le jour où les portes de l’enfer s’ouvraient. « Ici, il n’y a plus de bâtiment. Une petite stèle a été érigée. Mon grand-père est enterré dans une clairière, au cimetière de Jammertal ». Dans l’âme de la petite-fille, l’émotion prend le pouvoir. Aujourd’hui, en se parlant de ce voyage , elle ressurgit. Sylvie a emmené avec elle de la terre de Langres. Elle la dépose près de la sépulture de son grand-père. « Je n’ai pas souhaité faire rapatrier son corps, j’ai préféré qu’il reste avec ceux de ses frères de peine ».
Un des artificiers de la Poudrière
« Tant que j’ai vécu en France -2015- je me suis recueillie au monument aux morts de la place de Verdun deux fois par an ». Sylvie est sensible à la rénovation de la plaque en l’honneur d’André Besancenot au centre de secours de la cité des remparts, début novembre 2011. « C’est par le biais des sapeurs-pompiers qu’il était entré dans la Résistance et qu’il a eu accès à la Poudrière. Leur chef avait proposé aux Allemands de sécuriser les lieux. Il fallait donc aller les reconnaître… ». Le grand-père après lequel la petite-fille court a été un des artificiers. Le hasard est taquin : son aïeul était né un 14 juillet. Son parcours hors du commun dans la Seconde guerre mondiale, qui comprend une évasion d’un camp de prisonniers, la rumeur tenace d’avoir été vendu aux SS par sa propre épouse… sa petite-fille l’a consignée dans un blog, à partir de 2008. Un travail de titan, et elle se souvient de l’aide précieuse de l’Office national des Anciens combattants (ONAC). Elle a aussi beaucoup œuvré pour le Résistant langrois déporté Marius Vechambre. « Je n’ai jamais voulu tirer de bénéfice personnel de ce travail ». En revanche, en reconstituant le parcours de son grand-père, Sylvie a eu le sentiment d’ « avoir bouclé la boucle ». Et même d’avoir « redoré le blason » d’un père trop absent. Celle que la rumeur a malmené a su la prévenir quand celui-ci était au plus mal, et elle est allée le voir. L’intuition de la petite-fille était juste : son grand-père était bien la passerelle qui la mènerait à ses racines. « Depuis que ma quête a abouti, je suis en paix avec moi-même ».
Fabienne Ausserre
f.ausserre@jhm.fr