« En eaux très troubles », navet abyssal
CRITIQUE. Blockbuster nanardesque de l’été, « En eaux très troubles » aura bien du mal à maintenir le spectateur intéressé plus d’une demi-heure. Enchainement de situations sans queue ni tête, le film de Ben Wheatley avec Jason Statham dans le rôle titre prend l’eau.
En euphémisant, on pourrait dire qu’avec « En eaux très troubles », le cinéma n’a pas livré son plus beau produit. Le long-métrage transpose des idées que d’autres films ont eu auparavant, et parvient à les rendre encore moins bonnes qu’elles n’étaient à la base. Il ne propose rien d’un minimum intéressant, et écope grâce à un certain second degré du statut de nanard. De ceux devant lesquels il est conseillé de débrancher son cerveau, sous peine de se fouler des neurones en cherchant un quelconque sens.
Déjà-vu
« En eaux très troubles » suit à nouveau les aventures de Jonas Taylor (Jason Statham), plongeur et militant écologiste bas de plafond, qui s’aventure cette fois en-dessous de la thermocline, sorte de barrière séparant les océans « normaux » de ceux qui abritent les mégalodons – et autres monstruosités préhistoriques. Problème, une fois arrivés en bas, le héros et son équipe se rendent compte qu’une base sous-marine y est installée, et qu’une entreprise extrait des terres rares en faisant exploser le fond des océans. Inévitablement, les explosions répétées perceront la thermocline, et libéreront les monstres des abysses.
À mi-chemin entre le film d’action générique et l’odyssée subaquatique falote, « En eaux très troubles » lasse, à peine son premier tiers passé. Nous savons déjà ce qu’il va se passer. Les rebondissements n’en sont même plus tant ils sont attendus. Et pour couronner le tout, presque tous les effets spéciaux brûlent la rétine par leur hideur.
Statham en service minimum
Le casting ne relève pas « En eaux très troubles ». Jason Statham est dans son rôle stéréotypé, multipliant les one liners grotesques et les expressions faciales absurdes. Wu Jing, interprétant le scientifique Jiuming Zhang, passe le film à frôler la mort de justesse. Si insupportable qu’on en viendrait presque à être lassé dès qu’il revient à l’écran après un décès suggéré. Cliff Curtis (Mac) et Page Kennedy (DJ) sont juste là pour faire avancer le scénario à un instant T.
Enfin, Shuya Cai prête ses traits à Meiying, la fille Suyin Zhang, co-héroïne du premier film « En eaux troubles » dont l’interprète Li Bingbing n’a pas été reconduite (sans raison apparente). La jeune actrice fait de son mieux pour composer avec un rôle boiteux, à la fois adolescente insouciante et scientifique de génie. Pas remarquable.
Bestiaire complet, mais moche
L’exploration des fonds marins en exosquelette – oui, il y a ça aussi dans le film… – est plutôt chouette. Surtout le combat on ne peut plus dynamique des protagonistes contre de petits dinosaures marins. Car voilà, en plus des mégalodons, le film offre un bestiaire préhistorique complet, de ces fameux petits dinos aussi à l’aise sous l’eau que sur terre à une pieuvre géante cauchemardesque. Là encore, les effets spéciaux rendent leurs apparitions au mieux gaguesques. Certaines séquences d’action, filmées en caméra immersive, donnent du peps. La plupart donnent la gerbe.
« En eaux très troubles », nanard à trop gros budget (estimé à 185 millions de dollars), attirera du monde dans les salles obscures, par sa promesse de départ de ne pas se prendre la tête. Mais, derrière ses mégalodons et son action extravagante, il pose un nouveau jalon à la science, en réinventant la loi de Murphy. Ici, tout ce qui est susceptible d’être plus débile se produira.
Dorian Lacour