En bac pro carrossier, il y a plus de femmes que d’hommes
Au lycée Eugène Decomble, la promotion de deuxième années bac pro carrossier peintre automobile compte plus de femmes que d’hommes. Une féminisation du métier qui n’est pas encore synonyme de pleine égalité. Une élève et un professeur se livrent sur cette évolution.
« C’est la première fois que les femmes sont majoritaires dans une formation », indique Christophe Guyot, professeur au lycée Eugène Decomble depuis 1995. En deuxième année de bac pro carrossier peintre automobile, la classe de cinq élèves compte quatre filles et un seul garçon. En seconde, il y a deux filles pour sept garçons.
Kimberly Larivière est arrivée au lycée Decomble en classe de troisième prépa-métiers. Puis, elle est entrée en bac-pro carrossier peintre automobile. « J’ai hésité entre mécanique et carrosserie. En mécanique, le professeur ne laissait pas forcément les filles faire. Il ne fallait pas qu’on se salisse les mains ou qu’on se fasse mal. »
N’étant pas en sucre, Kimberly Larivière ne s’est pas retrouvée dans cette approche et a choisi la carrosserie. « Ce choix d’orientation a beaucoup surpris mon entourage, mais j’ai été soutenue car il trouvait ça bien qu’il y ait plus de filles dans ces métiers. »
Un métier moins physique
Un point de vue partagé par Christophe Guyot. Surtout qu’avec les problèmes de recrutement, les femmes ont réellement une place à se faire. « Ces métiers sont tellement en tension… Que l’on soit homme ou femme, il y a du travail », souligne le professeur.
« Jusque dans les années 2000, j’ai dû avoir deux filles diplômées. Après, j’en ai quasiment eu tous les ans », retrace-t-il avant d’expliquer : « Il y a dix ans, c’était plus compliqué pour les femmes de se faire leur place. C’était plus problématique de les accueillir, notamment parce qu’il leur faut des vestiaires et des toilettes séparés ».
Par ailleurs, le métier est devenu moins physique. « Avant, on s’occupait de gros chocs où il fallait couper la carrosserie. Aujourd’hui, il y a tellement d’électronique que les réparations coûtent trop cher par rapport à la valeur de la voiture. On les envoie directement à la casse. Ce qui fait qu’il y a moins de tâches physiques », explique le professeur.
Aussi, les compositions d’acier ont évolué et les carrosseries sont moins épaisses, donc plus légères. Les outils d’aide à la manutention, comme pour redresser les tôles, sont également plus légères. « Les manœuvres physiques ne posent plus de problème », résume le professeur.
Encore du sexisme
Kimberly Larivière reconnait qu’il lui arrive de manquer de force sur un boulon trop serré ou pour porter des choses lourdes. « A part ça, je peux me débrouiller toute seule. Surtout qu’on a des tournevis et du matériel qui permettent de compenser », explique-t-elle. Alors, elle a un conseil à donner aux futures apprenties : « Il ne faut pas écouter les autres. S’il y a des difficultés comme sur la force, il y a toujours des solutions ».
Néanmoins, les mentalités ont encore besoin d’évoluer. « Au lycée, dès le début, il faut ne pas se faire marcher sur les pieds. Sinon, après c’est fini », confie Kimberly Larivière. Si dans sa classe il y a plus de filles que de garçons, dans l’établissement les femmes restent minoritaires, une quinzaine sont comptées sur près de 400 élèves.
« Dès que les mecs voient une fille, ils font des réflexions sur comment on est habillée. Parfois, ça va même jusqu’aux insultes et au harcèlement », poursuit-elle. Autant dire que Kimberly évite de mettre « des shorts et jupes » pour éviter des remarques obscènes. Toutefois, en milieu professionnel, les choses se passent sans encombre. « Au garage, ça se passe bien. Fille ou garçon, tu bosses bien et ça se passe bien », ajoute-t-elle.
Julia Guinamard