« Emmaüs Haute-Marne est en péril »
Face à une deuxième période de confinement et la nouvelle fermeture de ses trois sites de vente, à Chaumont, à Foulain et à Bettancourt-la-Ferrée, la communauté Emmaüs connaît une situation inédite et très alarmante. Alors, elle rebondit. Rencontre avec Jean-Paul Pierron, son président.
«La bonne nouvelle est que l’on s’adapte. La mauvaise est que notre trésorerie va fondre comme neige au soleil. » Jean-Paul Pierron, président d’Emmaüs Haute-Marne ne s’en cache pas. Il est très inquiet et craint pour l’avenir de la communauté. « Emmaüs est en péril. »
Lors du premier confinement, les deux mois de fermeture avaient déjà occasionné une perte sèche de 200 000 €. Un mois de plus, signifie 100 000 € de moins dans les caisses. « On a encore un peu de trésorerie. On pourra tenir mais, on ne pourra plus faire d’investissements. Les inquiétudes ne sont pas pour maintenant, mais pour l’après, pour la suite. Qui n’avance pas, recule. »
Emmaüs Haute-Marne est une communauté qui vit en auto-financement et, de ce fait, ne bénéficie d’aucune aide. Ce sont 42 compagnons accueillis, qui travaillent et vivent, soit sur le site de Foulain, soit à Bettancourt-la-Ferrée et 14 salariés qui les encadrent au quotidien. « C’est potentiellement 56 personnes à la rue ! »
« Pas question de baisser les bras. On relève les manches et on y va ! »
Jean-Paul Pierron, président Emmaüs Haute-Marne.
Afin de pouvoir rouvrir les salles de vente, d’importants changements avaient été mis en place. Masque obligatoire, gel à disposition, marche en avant et nouveau sens de circulation. Tout a été respecté et les visiteurs ont été au rendez-vous.
« Tout le monde était là. Ça nous a fait plaisir. On a eu une bonne fréquentation et les compagnons ont été très vigilants. Nous n’avons eu aucun cas positif, ni chez les salariés, ni chez les compagnons ni chez nos bénévoles. » La boutique située à Chaumont, rouverte depuis le 15 septembre, a elle aussi bien tourné avec Donatela et Imrije, deux compagnes, aux commandes. « Nous voilà avec un nouveau coup de frein et aucune aide. La seule chose dont nous avons pu bénéficier, c’est le chômage partiel pour nos salariés mais, pour les compagnons, alors que nous payons des charges sociales, rien. »
Emmaüs en ligne
Ce nouvel arrêt, brutal, impacte les finances mais aussi le moral des troupes. Pourtant, « pas question de baisser les bras. On relève les manches et on y va ! », lance le président. D’un naturel, optimiste, fonceur et débrouillard, Jean-Paul Pierron, accompagné de son équipe, a donc envisagé plusieurs pistes afin de rebondir.
« Nous avons nos propres bennes donc, suite à un rendez-vous en préfecture, nous avons eu la confirmation que nous pouvions rester ouverts. Nous sommes considérés comme une déchetterie. » Il est donc possible de venir déposer (sur les deux sites) tout objet, mobilier, électro, etc. « Les particuliers sont les bienvenus de 8 h à 16 h 30, du lundi au vendredi », précise Jean-Paul Pierron. Les ramasses à domicile se poursuivent et les containers vêtements seront régulièrement vidés.
« Nous continuons de trier et de stocker mais la place n’est pas extensible. C’est pourquoi nous avons eu l’idée de créer notre propre boutique en ligne. Virginie, l’une des salariés, a bossé sur le projet et tout devrait être opérationnel d’ici peu. On a des compétences en interne, alors on s’en sert ! » Un lien sur Facebook permettra d’avoir accès au site.
« On ne mettra pas tout. C’est impossible. Mais, on y trouvera des meubles, de l’électroménager, de la vaisselle, des vêtements 1er choix, des jouets… On prendra des photos et on ajoutera un petit descriptif. » Ce site sera uniquement une vitrine des stocks. On pourra seulement réserver les articles et prendre rendez-vous pour l’enlèvement sur site. Le paiement se fera à ce moment-là, et non en ligne.
Limiter les dégâts
Ils espèrent pouvoir rouvrir le plus rapidement possible. « En attendant, on occupe nos équipes avec la ramasse, le tri des fripes, de la maintenance et de l’entretien de nos locaux et les différents ateliers (vélos, réparation, électro, meubles, vaisselle… » Salariés et compagnons vont même pouvoir s’initier à l’aérogommage. Le nouvel atelier, qui permet de “décaper” des meubles tout en douceur, est opérationnel.
Emmaüs existe afin d’aider les gens dans le besoin, qu’il s’agisse de donner une seconde chance ou d’équiper les plus démunis en biens de première nécessité.
« L’idée du site n’est peut-être pas grand-chose mais cela pourra limiter les dégâts et permettre de payer certains frais. Nous sommes là pour aider ceux qui sont dans le besoin alors nous mettons tout en œuvre pour remplir cette mission et trouver des solutions, pour eux. »
Julie Arnoux