Commentaires (0)
Vous devez être connecté à votre compte jhm pour pouvoir commenter cet article.

Elle veut sonner les cloches au village d’Aujeurres… en les faisant taire

Martine avait obtenu, en 2020, que la justice réduise l’amplitude horaire de la sonnerie des cloches de l’église. Elle remonte au front pour les faire totalement taire. Deux pétitions circulent pour que Marie-Angèle et Louise-Denise continuent de s’exprimer.

« On voulait donner un peu de vie au village ». C’était en 2015. La 1ère adjointe Anita Bourrier indique que le conseil municipal votera donc l’électrification des cloches de l’église. Et voilà Marie-Angèle et Louise-Denise qui, à partir de fin mars 2016, se mettent à marquer les heures, de 7h à 22h, et à sonner l’angélus -à 7h, à 12h et à 19h. Malgré sa faible population -73 habitants- Aujeurres vit pour de bon, et les palpitations des demoiselles nichées sous le clocher de son église font écho à cette présence animée au monde dans le même temps qu’elles tirent une révérence au patrimoine rural.

Sauf que Martine, qui habite à toute proximité de l’édifice, assigne la commune au tribunal administratif (TA), en avril 2019. Le jugement impose la réduction de l’amplitude des sonneries, les cloches ne sonneront plus que de 9h à 20h. Au passage, la commune est condamnée à verser 1 500 € à la plaignante, pour ses frais. « On pensait que c’était fini… ». Eh bien non, Anita Bourrier et ses homologues rêvaient.

Abats-sons pour restaurer la joie

« Elle remet ça. Martine multiplie les courriers recommandés pour demander la suppression des angélus, sources de nuisances sonores ». La contestatrice a le soutien de l’association antiBruit de Voisinage, qui écrit à la commune le 15 janvier 2021 pour qu’elle baisse le ton de Marie-Angèle et Louise-Denise et supprime les deux angélus restants. Le maire Frédéric Pottier répond qu’Aujeurres « ne bougera pas ». L’association insiste, par deux fois. La même réponse lui est retournée, en avril 2021. Pas de quoi la décourager sa contemptrice antiBruit, qui revient encore à la charge, deux fois. Lasse de ce marquage à la culotte, l’assemblée municipale propose une médiation, fin juillet 2021.

« La réunion a manqué tourner court, Martine… ne voulait rien entendre ». Toutefois, les élus s’engagent à poser des abats-sons, et ils sont en effet installés. « On teste leur efficacité pendant trois mois et on se revoit ». De fait, poursuit Anita Bourrier, « le volume sonore a baissé ». Mais Martine a de la constance, et c’est un conseil dont elle s’adjoint les services qui expédie un courrier à la mairie le 25 janvier 2022.

La laïcité convoquée

« Arrêtez les cloches, ôtez l’électrification, c’est une question de respect du principe de laïcité (…) Avec les angélus, la collectivité supporte les nuisances de la pratique religieuse et le coût de l’électrification destinée à celle-ci. Ça ne se peut pas ». Voilà en résumé les termes de la missive de l’avocat de Martine. « Chaque habitant -il y en a environ 60- dispose d’une montre ou d’un mobile pour avoir l’heure. Cette offre de service public est donc injustifiée ». Aussi, merci de faire taire les trois cloches, conclut en substance le conseil – au passage, elles sont juste deux. Sinon, dans deux mois, il saisit le TA pour sa cliente. Qui, au passage, vient de faire l’acquisition d’une deuxième habitation… à proximité de l’église.

Grosse levée de boucliers

« Les bruits et effluves propres à la ruralité ne peuvent être assimilés à des nuisances puisqu’ils en constituent l’essence même ». Dans une pétition mise en ligne le 17 février (451 signataires le 23 février au soir), l’Aujeurrois Daniel Ribault bat le rappel des défenseurs de la vie à la campagne et de son patrimoine -il a aussi ouvert une page Facebook. Si, parmi les signataires, les Haut-Marnais sont très majoritaires, des habitants d’ailleurs en France apportent eux aussi leur soutien, après avoir vécu le même type de conflit.

Conjointement, l’épouse de Daniel Ribault a réuni « l’ensemble des signatures des habitants moins une personne », en porte-à-porte, pour que la version papier de pétition circule aussi. Les défenseurs de « l’expression de Marie-Angèle et Louise-Denise » sont consternés à songer qu’une nouvelle procédure puisse s’engager, mais ils sont plutôt confiants sur son issue. C’est que depuis le jugement de 2020, une loi protège le patrimoine sensoriel des campagnes françaises. « Le ronronnement des tracteurs, les effluves des vaches et des cochons, le carillon des cloches, le chant du coq (…) en font partie ».

Fabienne Ausserre

f.ausserre@jhm.fr

« C’est un vacarme et l’angélus, c’est religieux »

cloches
La première adjointe, Anita Bourrier, est consternée à l’idée qu’on remette de nouveau en cause la sonnerie des cloches (©JHM).

« J’avais saisi la justice en 2019 parce que le niveau sonore des cloches était de 74,5 décibels. Aujourd’hui, je m’apprête à la saisir de nouveau car je pense que c’est le même niveau sonore (…) C’est un vacarme ! ». Martine Wephre n’a toutefois pas diligenté de mesure du bruit depuis que des abats-sons ont été installés*. L’autre motif à son intention est la suppression des deux angélus encore sonnés : ceux de 12h et de 19h. « Parce que c’est religieux ».

La proche riveraine de l’église dont le clocher abrite Marie-Angèle et Louise-Denise insiste : elle a « demandé une conciliation le 13 août ». Pourtant, le courrier de son avocat exprime une tout autre requête : il indique que sa cliente veut désinstaller le système d’électrification (voir ci-dessus).  

(*) L’ouïe est en danger à partir de 80 dB(A), le (A) désigne en résumé le volume sonore ressenti.

Lire aussi : Le son du cor au fond des bois

La rédaction vous recommande...

Sur le même sujet...

Sommevoire
L’Architecte des bâtiments de France visite Sommevoire
Patrimoine

Jean-Pascal Lemeunier, Architecte des bâtiments de France (ABF) de la Haute-Marne depuis septembre 2023 et Sylvain Garnier, en charge du secteur Nord du département, ont été reçu, mardi 16 avril(...)

Bar-sur-Aube
Le coq a repris sa place sur le clocher de l’église
Patrimoine

Vendredi 19 avril, le père Sébastien Alabi a répondu à l’appel du maire de Colombé-le-Sec, Denis Nicolo, de son conseil municipal, et de l’architecte Mathieu Baty. Il s’est rendu au(...)

Ancerville
Nature, histoire et patrimoine lorrains se déclinent en photos
Animations , Patrimoine

Samedi 20 avril, une cinquantaine de photographes ont bravé la fraîcheur et la grisaille matinales pour participer à un rallye photo organisé par la Maison des jeunes et de la(...)