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Economie agricole : « 2020 risque d’être l’année de trop »

La sécheresse, les mauvais rendements, la baisse des cours laissaient prévoir une année agricole extrêmement compliquée. Les chiffres économiques fournis par CerFrance traduisent cette tendance avec les céréaliers du Barrois à la peine et les agriculteurs du Bassigny qui limitent la casse.

Comme chaque année, CerFrance Champagne Nord Ile-de-France et la Chambre d’agriculture Aube Haute-Marne s’associent pour donner les premiers résultats économiques de l’année qui s’écoule. Sans grande surprise, la conjoncture n’est pas bonne avec la sécheresse, les rendements et la baisse des cours qui pèsent sur les trésoreries. Pascal Simons, président de CerFrance Haute-Marne, parle de 2020 comme d’une année qui ne sera pas faste pour l’agriculture même si la profession n’a pas été directement touchée par la crise sanitaire. Il accuse en premier lieu la sécheresse – la plus forte depuis 1954- qui a touché toutes les productions créant d’immenses écarts en termes de rendements. « Seul le blé tire son épingle du jeu ». Il poursuit : « une année de plus qui n’est pas au rendez-vous. Les trésoreries sont exsangues. 2020 risque d’être l’année de trop ». Pire : dès maintenant, des stratégies vont devoir être mises en place dès maintenant pour les semis d’automne et pour relancer la machine. En d’autres termes, des exploitants ne sont plus en capacité financière de poursuivre leur activité.

Mais, malgré tout, comme le dit Pascal Simons, « des choses bougent » avec le développement de nouvelles pistes comme la vente directe, la production d’énergie, les productions atypiques, le bio, l’agriculture de conservation…

Marc Poulot, président de la Chambre d’agriculture, parle d’une année de rupture et de paradoxe avec un besoin d’accompagnements. « Les écarts se creusent du fait de l’évolution climatique. La technicité reste importante et la crise morale est grandissante. L’accompagnement est nécessaire pour un phénomène de résilience ».

Frédéric Thévenin

Céréales : le blé cache une forêt dévastée

Les rendements des céréales montrent que seul le blé sort la tête de l’eau mais il ne doit pas cacher l’effondrement des autres cultures. Le blé a bénéficié d’une compensation en fin de cycle que les autres n’ont pas eu. Autre fait marquant : le Grand Bassigny qui limite les dégâts en colza et de grands écarts entre secteur et parfois à l’intérieur d’une même exploitation voire d’une même parcelle.

En cause : la troisième sécheresse estivale consécutive et la pression des insectes en forte augmentation. La grosse altise sur le colza. Les pucerons sur les céréales et protéagineux ou des ravageurs comme les punaises et les criquets. De surcroît, l’interdiction de certaines molécules dans les traitements ne permet plus de lutter efficacement contre certains prédateurs comme la bruche.

Du côté des prix, CerFrance table sur une prévision, en blé, de 160 € la tonne ; un bon prix qui traduit une offre déficitaire en Europe mais qui pourrait être rattrapé par une bonne production ailleurs et une consommation en baisse.

En orges, il table sur 140 ou 150 € la tonne sachant qu’elles se heurtent à des stocks du fait de la baisse de la consommation de bière durant la crise sanitaire. Par contre, la prévision élevée (380/390 € la tonne) en colza s’explique par les problèmes de production en France. Les stocks sont proches de zéro et les Chinois achètent, en masse, le soja qui détermine le prix du colza. La situation ne risque pas de s’améliorer puisqu’il est prévu que 30 à 40 % des semis de colza disparaissent dès cette année.

Les rendements et les prix font le revenu des agriculteurs et CerFrance prévoit une moyenne, pour toute la Haute-Marne, un revenu en grandes cultures négatif de 30 € par ha contre + 62 en 2019. En 2016, année restée comme la pire des années, le revenu était de – 117 €/ha.

Mais attention, avec des rendements qui varient plus ou moins de 15 % sur une exploitation moyenne de 182 ha, le revenu diffère totalement. Il va de – 130 €/ha à + 70 €/ha.

Pour des exploitations dans le quart inférieur en termes de rendement, la perte peut être de 330 €/ha soit, pour 150 ha, une perte de plus de 47 000 €.

Lait : les inquiétudes persistent

Cette année, les éleveurs laitiers se sont heurtés à un contexte climatique très particulier. Le début de printemps froid et sec a limité les rendements en herbe et méteil de 20 à 60 %. Puis, la suite du printemps doux et humide a offert des conditions idéales pour les levées des cultures de maïs et sorgho malgré le fort impact des ravageurs comme les corbeaux et les sangliers. L’été sec et chaud a empêché la repousse d’herbe et a impacté les rendements et la qualité des maïs et sorgho avec des problèmes de digestibilité et un manque de grains. Enfin, le manque de paille dans les céréales et donc en stock va causer des problèmes de paillage et détériorer les rations.

A cette conjoncture climatique s’ajoute le contexte économique. La filière lait et viande a été touchée par la situation sanitaire et le confinement. La structuration des débouchés a été modifiée avec une baisse de la restauration hors foyer. En lait, la demande des produits a changé avec une augmentation de la consommation de produits de première nécessité (beurre, yaourt, fromages à cuisiner, lait). Par contre, la demande en fromages AOP s’est effondrée dont le Langres et l’Epoisses. Enfin, la hausse du stockage de poudre en lait a incité les producteurs à produire moins en avril.

En termes de prix du lait, l’impact a été direct avec une hausse, en Haute-Marne et en moyenne, de 5 €/1 000 l durant le premier trimestre puis une baisse de 15 € durant les deux suivants. Le prix pour le quatrième trimestre dépendra de la conjoncture sanitaire.

En matière de charges alimentaires, le prix des aliments est stable sur deux ans. 2019 avait été l’année la plus coûteuse ramenée au litre de lait produit depuis 2016. En 2020, la prévision est de – 4 à – 5 € les 1 000 litres. Tout dépend de la qualité des récoltes de maïs et du rachat de fourrages.

Au bout du compte, CerFrance prévoit, pour une exploitation lait/céréales, un revenu de 159 €/ha contre 211 en 2019 et – 19 en 2016 qui restera la pire année. En lait/viande, le revenu annoncé est de 199 €/ha contre 230 en 2019 et 91 en 2016. Tout ceci s’inscrit dans des fourchettes très larges. Le quart inférieur peut perdre jusqu’à 36 000 € alors que l’exploitation dans la moyenne maintient son revenu par rapport à l’an dernier.

A noter que les systèmes céréales/viande ont un revenu prévisionnel de 18 €/ha contre 111 en 2019 et 27 en 2016. Les systèmes viande herbager sont 123 €/ha contre 138 en 2019 et 120 en 2016 et les ovins herbagers sont à 160 €/ha contre 160 en 2019 et 140 en 2016.

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