Eco-Hebdo : Obsession mortelle
La série continue. Boeing enchaîne les incidents avec une inquiétante constance. Une porte arrachée en plein vol, un roue qui se détache au décollage, un panneau de la carlingue disparu lui aussi en plein vol. La liste pourrait être allongée à l’infini. L’instance de régulation de l’aviation civile américaine a relevé pas moins de 97 cas de non-conformité. Cela tient presque du gag, mais si l’on remonte le fil de l’histoire, ces errements ont parfois provoqué des catastrophes : 346 morts dans le crash de deux Boeing 737 Max. C’était en 2018 et 2019. En cause, la défaillance d’un nouveau logiciel.
Malgré ces revers lourds de conséquences, la sécurité ne semble pas avoir constitué la priorité du constructeur américain. D’où un relâchement dans les contrôles tant au niveau de la fabrication que de la mise en service des appareils. Les mésaventures de Boeing mettent au jour le poids considérable de la financiarisation de l’économie. Ce sont les « cost killers » qui ont souvent pris les commandes de l’entreprise. Mais ce ne sont pas eux qui paient la facture des accidents et des catastrophes.
Il ne faut pas perdre de vue que Boeing joue désormais sa propre survie dans l’histoire. Les compagnies aériennes vont y regarder à deux fois avant de choisir la firme de Seattle pour équiper leur flotte. Au-delà de ce cas spécifique, spectaculaire s’il en est, c’est bien le « système » qui est remis en cause. Le passage du capitalisme industriel à un capitalisme financier, du long-termisme au court-termisme, est lourd de menaces. Il ne peut que renforcer la méfiance des consommateurs. Savoir que dans l’avion que l’on s’apprête à prendre il manque peut-être des boulons a de quoi inquiéter.
Patrice Chabanet