Eco-Hebdo : le canon et l’obus
Les Ukrainiens ne cessent de le clamer : ils ont les canons, mais pas assez d’obus. On peut y voir les hésitations de leurs alliés tétanisés à l’idée de voir le conflit dégénérer. Plus prosaïquement, ce sont des raisons économiques qui expliquent cette situation ubuesque. L’appareil de production de l’Occident est sous-dimensionné pour répondre à la demande. Ainsi l’Europe a dû concéder qu’elle ne pourrait tenir sa promesse de fournir un million d’obus de 155 mm au premier trimestre de cette année. En cause la pénurie de poudre.
Les goulots d’étranglement constatés dans cette phase de la guerre font penser aux dysfonctionnements de l’économie… soviétique. Fabrication de biberons, mais pas assez de tétines. Fabrication d’allumettes, mais pas assez de composants pour les embouts. Chaque filière (le verre, le caoutchouc, le bois, la chimie) suivait sa logique définie par un plan, sans prendre en compte les nécessités d’harmonisation. On en est là aujourd’hui sur le front ukrainien. Du coup, en pleine guerre, c’est le branle-bas de combat qui révèle d’autres insuffisances : les pays membres de l’OTAN doivent puiser dans leurs propres réserves, y compris les États-Unis.
Reste la question essentielle : quel est le bon niveau de fabrication des obus ? Tout va dépendre de la nature du conflit. À la décharge de ceux qui nous gouvernent, la juste prévision est impossible. Sous-produire ou sur-produire expose à la critique. On se souvient, dans un tout autre domaine, du déluge d’injures essuyées par Roselyne Bachelot, alors ministre de la Santé, pour avoir commandé trop de masques et de vaccins contre la grippe. C’était en 2010. Quatorze ans plus tard c’est le reproche inverse qui est formulé contre l’OTAN et ses états membres. Trop timorés. Trop timides. Facile à dire avec à une opinion publique qui, elle, ne perçoit pas le danger.
Patrice Chabanet