Éco-Hebdo : ébranlement général
On va longtemps deviser sur le conflit ukrainien, sur les intentions réelles de Poutine, sur l’impact de cette guerre au sein du bloc européen, sur ses conséquences économiques. Rien ne serait plus simpliste ou sommaire que de circonscrire l’invasion russe à sa dimension géographique. C’est tout l’édifice économique mondial qui est ébranlé. On sait déjà que le prix de l’énergie et des matières premières va flamber, ce qui de proche en proche provoquera une poussée de l’inflation.
On observe au passage la fragilité des structures et des institutions. La réactivité tant vantée du capitalisme moderne est prise en défaut. Pour exemple on peut prendre l’injection massive de fonds (100 milliards d’euros) dans le budget de la défense allemand. Problème : les capacités de production seront pendant de longs mois, voire de longues années, dans l’impossibilité de répondre à la demande, ce qui est gênant dans un domaine aussi stratégique que la défense.
Les différents pays, plus ou moins concernés par le conflit, devront apprendre à gérer le couple maudit embargo/mesures de rétorsion. En d’autres termes où se situe la frontière entre bénéfice et risques. Cela ne concerne pas que les États. Les entreprises sont impliquées. Les sociétés françaises, comme Renault ou Auchan, qui sont implantées en Russie sont impactées par les mesures prises par les pays occidentaux. Les grands groupes pourront digérer ces « aléas », mais les PME, les sous-traitants pourront être menacés dans leur existence.
De manière plus diffuse, on constate aussi une redistribution des flux économiques. La Chine, qui ne condamne pas la Russie mais qui ne la soutient pas, renforce ses positions, en devenant le fournisseur exclusif de l’Occident. Plus près de nous, l’Algérie dont on connaît pourtant le contentieux avec la France se propose de fournir du gaz à l’Europe pour compenser l’arrêt des livraisons venant de Russie.
Ce ne sont là que quelques éléments des mutations profondes de nos économies. La crise ukrainienne précipite le mouvement comme l’a fait la crise sanitaire. Bien malin qui peut écrire la suite du récit. L’aspect social – et même sociétal – est seulement abordé ou survolé. De l’invasion russe en Ukraine au prix de la baguette il y a pourtant une continuité évidente.
Patrice Chabanet