D’un drame, une leçon de vie
JHM quotidien : Pour quelle raison avez-vous souhaité cet entretien ?
Stefany Schwerkold : La famille de Damien et moi, sa mère, avons été blessés par les mots prononcés publiquement. Je ne soutiens pas les actes graves que mon fils a faits et ne souhaite pas non plus l’enfoncer davantage. Je cherche encore des explications à son geste mais il reste mon enfant que j’aime. J’ai toujours assumé et assume encore mes responsabilités de mère. Certains se posent certainement des questions ou jugent.
Damien était un enfant difficile ?
Stefany Schwerkold : Damien a toujours eu un caractère à part. Il n’a jamais accepté les contraintes ni les barrières d’une éducation parentale. Non, son papa ne le battait pas. Cela n’a pas toujours été facile comme dans toutes familles mais nos enfants étaient gâtés, choyés, aimés. Ils ne manquaient de rien.
Quelle fut sa vie alors ?
Stefany Schwerkold : Je me suis séparée du papa de Damien lorsque celui-ci avait 12 ans. J’en ai eu la garde avec son petit frère de quatre ans et demi plus jeune que lui. A l’adolescence – élevant seule mes enfants – Damien avait “plus de libertés”. Je ne parvenais plus à le maîtriser. Il a fugué plusieurs fois. Partir plusieurs jours ne lui faisait pas peur. Il a eu quelques rappels à la loi pour des petits délits. Son objectif à cette époque était de vivre en marge de la société. Il a vécu un mois en famille d’accueil car à ses 16 ans il avait décroché du système scolaire. J’avais fait appel à la circonscription sociale de Langres pour m’aider à gérer les difficultés et le remettre sur le droit chemin. Un jour il a levé la main sur moi et son éducatrice a proposé une coupure afin que la colère redescende, il est revenu à la maison ensuite.
Et après ses 16 ans ?
Stefany Schwerkold : Damien n’est pas parti de la maison. Il naviguait entre celle-ci, les copains, les raves-parties, les mauvaises fréquentations. Mes démarches demeuraient vaines. Il ne vivait en tente que lorsqu’il avait décidé de “s’évader” comme quand il parti en “road trip” avec deux copains en Italie, en stop et à pied sans un sou, tout comme l’année dernière tout seul en Suisse. Il agissait sur des coups de tête. Entre tout cela, Damien vivait à la maison avec son frère et moi ainsi que mon compagnon sur la dernière année ; c’est à partir de ses 18 ans et suite à de nouvelles violences, que Damien a décidé de partir à “l’aventure”. Il était majeur. C’était son choix. Il logeait surtout chez les copains. Il changeait régulièrement d’endroit, quand il ne s’entendait plus avec ses potes… Là encore, j’étais là pour lui, lui faisant des pleins de courses, le dépannant pécuniairement, faisant les allers-retours chez l’un ou chez l’autre à chaque “déménagement”. Damien est un électron libre qui ne pouvait pas rester en place ni garder un travail errant dans son monde utopique, il ne faisait que ce qui lui plaisait.
Quels étaient vos rapports avec lui ?
Stefany Schwerkold : Nous avons toujours été très proches lui et moi malgré tout. Il me donnait souvent des nouvelles. J’ai toujours été là pour lui. Il avait souvent des excès de violence, ou il craquait au téléphone et s’énervait mais j’arrivais toujours à le calmer et le raisonner en discutant. Ça été le cas le jour du drame, il m’a appelé plusieurs fois pour me dévoiler ses intentions au fur et à mesure avant de tout couper. Malheureusement donc, ce jour-là, je n’y suis pas arrivée.
Que s’est-il passé à ce moment-là ?
Stefany Schwerkold : La semaine avant le drame, nous étions partis faire les boutiques tous les deux afin que je lui rachète habits, chaussures, croquettes pour son petit chien. Il me semblait depuis quelque temps qu’il voulait laisser tout ça derrière lui, avancer dans la vie. Je continuais depuis plusieurs années à lui payer son forfait téléphone, sa mutuelle, il n’était pas seul. Le matin-même du drame, je l’accompagnais chez le médecin car il s’était fait mal à la main en bricolant, tout allait bien… Alors, qu’est-il arrivé ce jour-là, que lui est-il passé par la tête pour qu’il agisse ainsi et fasse ce carnage. Je ne peux pas l’expliquer. J’en suis dévastée ainsi que sa famille. Nous avons l’impression d’avoir été des parents indignes et que Damien a eu une enfance malheureuse. Il faut savoir que son père ne lui a jamais acheté le moindre produit stupéfiant, et qu’il ne l’a jamais battu .
Pourquoi alors ne pas avoir assisté à son procès ?
Stefany Schwerkold : Je ne m’en sentais pas capable émotionnellement. Je voulais qu’il assume jusqu’au bout et seul pour une fois. Depuis son arrestation, nous correspondons par courrier et je souhaite qu’il s’en sorte, et que de cette histoire, cette épreuve, en sorte une leçon de vie. Je ne l’excuse pas, je suis là tout simplement.
En tirez-vous des enseignements ?
Stefany Schwerkold : Cette situation n’est facile pour personne. Cela peut arriver à tout le monde. Je pense aux familles désemparées et impuissantes dont les enfants ont “pété un plomb” comme on dit. Cela n’arrive pas qu’aux autres. Il n’y a pas de mode d’emploi pour être parent. Tout faire pour ses enfants n’exclut pas ce genre de situation. Je tiens enfin à remercier la rédaction d’avoir accepté de me rencontrer et m’avoir permis ainsi de m’exprimer.
Propos recueillis
Témoignage. Stefany Schwerkold, la maman de Damien Albani, jeune homme récemment condamné pour avoir fait usage d’une arme à feu et avoir eu un comportement de forcené, tenait à s’exprimer. En tant que mère, elle donne son point de vue sur cette affaire désormais close.