Douloureux rappel – L’édito de Patrice Chabanet
La fragmentation de la classe politique n’est pas une spécialité française. Elle traverse bon nombre de pays européens, avec la montée en puissance de l’extrême droite. L’Allemagne semblait échapper à ce délitement. Elle vient de plonger dans le chaudron des incertitudes. Tout a commencé en Thuringe où la droite traditionnelle a passé un accord de gouvernement avec l’AfD, formation d’extrême droite, nostalgique du IIIe Reich. De quoi rappeler de douloureux souvenirs : c’est dans ce Land qu’en 1930 le parti national-socialiste réussissait pour la première fois son entrée sur la scène politique en s’alliant à la droite. Le ver était dans le fruit et Hitler pouvait entamer sa conquête du pouvoir. Angela Merkel a vivement réagi en condamnant cet accord contre nature dans une Allemagne démocratique.
Il faut croire que le « plus jamais ça » de la chancelière n’a pas convaincu tout le monde dans son parti et dans son électorat. Sa successeuse à la tête de la CDU, Annegret Kramp-Karrenbauer, a annoncé hier sa démission de la présidence du parti. Ipso facto, elle ne remplacera pas Angela Merkel à la chancellerie. Elle entend ainsi manifester son opposition à ceux qui prônent ouvertement un rapprochement avec l’extrême droite. L’Allemagne, vertueuse sur le plan économique est à nouveau confrontée à ses vieux démons. Ce n’est pas la République de Weimar, mais l’extrême droite bien représentée en ex-RDA se repaît des frustrations de la population, de la quasi instabilité de l’union CDU-SPD qui gouverne le pays, et de l’existence d’un centre mou prêt à tout pour conserver le pouvoir. Ce qui se passe en Allemagne devient inquiétant. Pour le moment, le microcosme parisien, pour reprendre la formule de Raymond Barre, reste préoccupé surtout par les chicayas de notre classe politique..