Double peine – L’édito de Christophe Bonnefoy
Dix ans. Déjà dix ans. Et toujours pas l’assurance de pouvoir, enfin, se voir livrer des explications, les yeux dans les yeux. Le 1er juin 2009, le vol Rio-Paris s’abîme en mer. La faute au givrage des sondes Pitot, point de départ du décrochage de l’avion. Depuis cette date, les familles des 228 victimes sont dans l’attente, dans l’espoir, pourrait-on dire, qu’un jour, enfin, les responsables du drame soient condamnés. Pour pouvoir faire le deuil, comme on dit.
Le parquet, en juillet, avait requis le renvoi de la compagnie aérienne devant le tribunal et un non-lieu pour le constructeur. Hier, les juges ont ordonné un non-lieu général. C’est une double peine qui vient frapper les familles. Celle, évidemment, de la perte d’êtres chers. Et une autre, comme un coup de massue, qui douche leur besoin légitime de pouvoir refermer un chapitre on ne peut plus douloureux. On pourrait presque ajouter une ultime douleur, récurrente dans ce type de drame : l’égrenage des mois, des années, des décennies même, avant le début des procès, quand ils se tiennent. Un peu comme une lente et longue torture.
On « insulte la mémoire des victimes ». Hier, la réaction d’“Entraide et Solidarité AF447” en disait long sur la détresse de ceux qui vivent chaque seconde de leur existence avec un vide immense. Un sentiment qui sera malheureusement renforcé par les termes de l’ordonnance des juges : « Cet accident s’explique manifestement par une conjoncture d’éléments qui ne s’était jamais produite et a donc mis en évidence des dangers qui n’avaient pu être perçus avant (…) » La faute à pas de chance, en quelque sorte. Terrible sans doute à entendre.