Double catastrophe – L’édito de Patrice Chabanet
Dix ans après, jour pour jour, la région de Fukushima reste marquée par le tsunami qui l’a dévastée avec les conséquences que l’on connaît sur la centrale nucléaire. L’opinion publique mondiale aura surtout retenu l’accident de cette dernière. Et pourtant, en termes de bilan humain, c’est le tsunami qui a provoqué une tragédie : plus de 20 000 victimes. Aucune dans la centrale nucléaire… Pour limiter au maximum l’impact sur la population, les autorités japonaises ont déplacé 100 000 personnes et ont interdit la consommation de produits locaux. Il n’empêche, l’accident a surtout renforcé le sentiment antinucléaire. Il a fait renaître le spectre de Tchernobyl, 25 ans avant. Ainsi le gouvernement allemand s’est lancé dans la fermeture de ses centrales nucléaires. D’ici à quelques années il n’en restera plus en fonctionnement outre-Rhin.
Ces évènements nourrissent régulièrement le débat sur la pertinence du nucléaire. Moins polluant que les centrales à charbon, plaident ses partisans. Un gage d’indépendance aussi. Trop vulnérable, répliquent ses adversaires. De fait, c’est le caractère incontrôlable des accidents « majeurs » qui fait peur. Dans l’ex-URSS Tchernobyl a donné lieu à une cascade de désastres : de l’intervention sans protection des sauveteurs jusqu’à la dévastation de milliers d’hectares pollués pour des milliers d’années. Il faut dire que les mensonges d’Etat n’ont rien fait pour redorer l’image d’une énergie inquiétante pour beaucoup. On se souvient du fameux nuage de Tchernobyl qui était censé s’arrêter au Rhin. Et que dire de l’EPR de Flamanville dont on ne voit toujours pas la fin de la construction, avec un coût qui ne cesse d’enfler : les 3,3 milliards d’euros prévus initialement devraient passer à plus de 12 milliards. Dans ces conditions, la probabilité d’accidents majeurs – si faible soit-elle – ne peut que susciter méfiance et défiance à propos d’une énergie dont la production peut trébucher parfois sur la marche de la sécurité.