Direction Epinal pour Frédéric Nahon
Arrivé en Haute-Marne en mars 2015, Frédéric Nahon, procureur de la République, quitte Chaumont pour les Vosges en ce début d’année. L’heure est au bilan.
La mobilité est au cœur de différentes professions. Procureur de la République, Frédéric Nahon ne pouvait ainsi occuper son poste plus de sept en un même lieu. « Je suis arrivé il y a six ans et demi, cette présence m’a permis d’observer sur le long terme différentes problématiques et différentes évolutions », note Frédéric Nahon, appelé à rejoindre Epinal où le magistrat exercera, là encore, les fonctions de procureur de la République (notre édition du 29 décembre 2021).
« Ce tribunal, comme d’autres, souffre d’un manque de greffiers et de magistrats. En ce qui concerne le Parquet, nous sommes au complet depuis deux ans, cette situation aura permis d’asseoir une politique pénale affirmée et constante », souligne Frédéric Nahon, arrivé de Lille en mars 2015. Cinq magistrats oeuvrent au sein du Parquet. Le turn-over a été important. « J’ai été amené à travailler avec une vingtaine de magistrats en l’espace de six ans, j’ai pu être le témoin de l’excellente formation initiale de magistrats impliqués, motivés et très attentifs aux différentes évolutions liées à une effervescence législative ».
Nouvelles technologies
Frédéric Nahon aura plus particulièrement veillé à user de nouvelles technologies afin de parfaire le traitement en temps réel de dossiers de différentes importances. « Nous avons été parmi les premiers en France à utiliser certains logiciels. Le recours à de nouvelles technologies permet une meilleure prise en charge des dossiers, une prise en charge rapide. Avec une bonne organisation, il est également possible de limiter le stress inhérent à la gestion de lourdes tâches ». Pour rappel, en Haute-Marne, assistés d’un greffier, cinq magistrats du Parquet assurent une veille permanente, 365 jours par an, 24 h sur 24.
Au-delà d’un recours réfléchi aux nouvelles technologies, Frédéric Nahon se satisfait de dispositifs mis en place avec différents acteurs. « Nous faisons figure d’exemple à l’échelle nationale en ce qui concerne le traitement de la délinquance du quotidien, notamment grâce à un travail mis en place avec les bailleurs sociaux. (…) Avoir pu développer, en lien avec la Protection civile, un stage de citoyenneté où les bases du secourisme sont dispensées est également une réussite ».
Violences intrafamiliales
Au fil des années, Frédéric Nahon a pu prendre le pouls du département. « Un feu de poubelles a bien évidemment moins d’impact à Lille que dans un village haut-marnais, ma tâche a donc été d’adapter la politique pénale au contexte local ». La présence d’axes autoroutiers et la faiblesse des réseaux de transports collectifs ont une incidence sur le nombre de délits routiers observés dans le département.
Un territoire paisible où « l’activité pénale demeure soutenue au regard du nombre d’habitants » même si le procureur de la République a pu observer une baisse de 15 % des procès-verbaux traités par le Parquet. En dehors des délits routiers, Frédéric Nahon a pu constater la prégnance des affaires intrafamiliales.
« Les dossiers sont nombreux, on peut y voir le fruit d’un important travail de détection et de sensibilisation, je pense plus particulièrement aux affaires de violences conjugales ». Autre préoccupation. Ancienne. « Même si on peut noter une légère baisse, les dossiers en lien avec la consommation de stupéfiants ou d’alcool sont nombreux. Les addictions entraînent des infractions périphériques, des violences, des vols… Nous avons mis en place une réponse pénale dédiée, une réponse privilégiant les soins et un suivi renforcé ».
Un défi de taille dans un département comptant peu de psychiatres et autres spécialistes. Frédéric Nahon aura été le témoin des conséquences de la désertification médicale. La Haute-Marne ne compte plus de médecin légiste.
Le procureur de la République a également été le témoin direct de la « précarité sociale ou financière » d’une partie de la population, « une population attachante et respectueuse des institutions », une population protégée par des gendarmes et policiers « à qui on demande de plus en plus de choses », des femmes et des hommes dévoués « malgré des conditions de travail pas toujours faciles ».
T. Bo.
Des dossiers marquants
Si les faits de nature criminelle demeurent heureusement rares dans le département, différentes affaires ont marqué Frédéric Nahon. Le procureur de la République se fait discret quant à certains dossiers « humainement marquants ». Enfants ou femmes sont maltraités, abusés. Les situations de ces victimes ne peuvent laisser insensibles.
Au-delà de ces affaires, un dossier a particulièrement marqué le magistrat : la dégradation, en mai 2017, de la tombe du général de Gaulle. Le temps judiciaire s’est opposé au temps médiatique. « Heureusement, grâce au travail des enquêteurs, les investigations ont rapidement abouti. Au-delà de la forte dimension symbolique de cette affaire, il a fallu faire face à une déferlante médiatique, j’ai été sollicité par de nombreux médias français, mais également par des journalistes allemands ou anglais », se souvient Frédéric Nahon.
Le procureur Nahon a enfin été marqué par des escroqueries visant des « personnes âgées, fragiles, vulnérables » au fil d’années passées dans un département « attachant, à taille humaine, gagnant à être connu ».