Diplomatie vaccinale – L’édito de Patrice Chabanet
La conception, la fabrication et la diffusion d’un vaccin anti-Covid n’est pas qu’une affaire médicale. Elles révèlent des divergences dans les choix stratégiques. L’approche israélienne est différente de celle de l’Europe, et de la France en particulier. Par la force des choses le débat devient politique. Qui a raison ? On le saura à la fin de la pandémie. En attendant, la Russie pousse ses pions avec son vaccin Spoutnik V. Snobé par l’Occident, à juste titre, par manque d’informations fiables, le voilà réhabilité par la revue de référence, The Lancet. Le produit russe aurait une fiabilité de plus de 90%. Reste à obtenir l’homologation européenne, un parcours du combattant qui durera au moins plusieurs mois. Mais pour Poutine, en bon joueur d’échecs, l’essentiel est ailleurs. Le buzz médiatique autour de Spoutnik V établit un contre-feu à l’indignation provoquée par le procès d’un autre temps intenté à l’opposant Navalny. Pendant qu’on parle sanitaire, on estompe les droits de l’Homme.
Plus subtilement, les Russes s’infiltrent dans les mécanismes européens, en jouant un peu (beaucoup) la carte allemande. Ils proposent à nos voisins d’outre-Rhin une collaboration pour la fabrication de leur vaccin. Deutsche Qualität…Dans le même temps, ils ont obtenu d’Angela Merkel que la construction du gazoduc reliant la Russie à l’Allemagne soit maintenue jusqu’à son terme. Contre l’avis de la France et de la Pologne qui redoutent une trop grande dépendance énergétique vis-à-vis des Russes.
Le communisme soviétique est tombé il y a une trentaine d’années mais les règles diplomatiques ont peu varié : maintenir coûte que coûte ses positions, négocier seulement celles de l’adversaire. L’Ukraine, la Syrie, la Crimée et maintenant le vaccin. Un palmarès impressionnant pour un pays qui a perdu son leadership.