Devoir de reconnaissance – L’édito de Patrice Chabanet
Le présent et l’avenir se construisent avec les matériaux du passé dont on ne peut faire table rase. La cérémonie consacrée ce mercredi au groupe Manouchian nous l’a rappelé avec émotion et justesse. La France n’est pas ce bloc monolithique fondu dans une seule histoire, une seule culture. Des étrangers, parfois plus français que les Français dits de souche, se sont montrés à la hauteur des valeurs du pays des Lumières. Emmanuel Macron l’a souligné avec ses mots dans son allocution au Panthéon.
Mais comment ne pas voir le télescopage entre tous ces discours qui prônent l’unité de la France et ses fractures de plus en plus nombreuses au fil des débats politiques. A croire que l’évocation des drames sert de catalyseur pour retrouver une unité le temps d’une cérémonie. La douleur, la peine et le chagrin sont fédérateurs. Ils provoquent une communion de bon aloi.
On l’a vu avec Simone Veil et Robert Badinter. Souvent attaqués lors de combats qui leur tenaient à cœur – l’IVG pour la première, l’abolition de la peine de mort pour le second – ils sont devenus finalement des modèles de vertu politique, de droiture et de conviction sans concession. Missak Manouchian s’est ajouté à la liste.
La lecture du passé avec les lunettes d’aujourd’hui ne doit pas nous faire oublier pour autant qu’à l’époque les résistants étaient présentés comme de dangereux criminels. Manouchian, qui a insisté dans son dernier courrier sur son absence de haine à l’égard du peuple allemand, a refusé tout pardon aux délateurs. Le pardon ne peut pas être universel.