Deux hôpitaux neufs à Chaumont et Langres dans cinq ans
Virginie Cayre, directrice générale de l’Agence régionale de santé Grand Est, a annoncé ce vendredi que l’offre de soins pour le centre et le sud de la Haute-Marne sera organisée autour de deux hôpitaux neufs à Langres et à Chaumont avec gradation des soins et plateau technique dans la cité préfecture. Un investissement de 140 millions d’€.
La décision est tombée. Le débat sur l’organisation de l’offre de soins pour le centre et le sud de la Haute-Marne est tranché. L’option portée par le Copil égalité santé, validée par la quasi-totalité des élus du Sud-Haute-Marne, qui préconisait l’implantation d’un plateau technique à Rolampont et le maintien de l’hôpital de Chaumont, n’a pas été retenue.
C’est la proposition d’il y a un an, portée par la conférence santé, initiée par l’ancien préfet Joseph Zimet en mai 2021 et validée par l’ancien ministre de la santé Olivier Véran en décembre de la même année, qui est aujourd’hui choisie par l’Agence régionale de santé, l’Etat et le Conseil départemental. Ce projet est soutenu par les trois maires des trois villes concernées : Christine Guillemy à Chaumont, Anne Cardinal à Langres et André Noirot Bourbonne-les-Bains. L’annonce a été faite ce vendredi 16 décembre lors d’une conférence de presse qui s’est tenue dans les locaux de l’ARS à Chaumont.
A la tribune : Virginie Cayre, directrice générale de l’Agence régionale de santé Grand Est, la préfète de Haute-Marne, Anne Cornet, la directrice par intérim du CHU de Dijon, Lucie Ligier et Nicolas Lacroix, président du Conseil départemental et du GIP Haute-Marne.
En lien direct avec le CHU de Dijon
Virginie Cayre, directrice générale de l’Agence régionale de santé Grand Est a donc annoncé la réalisation d’ici cinq ans de deux « hôpitaux neufs » à Chaumont et à Langres. Le plateau technique (chirurgie, réanimation, obstétrique) sera implanté à l’hôpital de Chaumont. Est aussi entériné le principe de la gradation des soins avec un hôpital principal à Chaumont et un hôpital de proximité à Langres. Les deux établissements étant en lien direct avec le CHU de Dijon.
Quelle répartition des activités ? Quels services resteront à l’hôpital de Langres ? Les autorités se donnent un trimestre pour dimensionner et affiner les projets.
Des lignes rouges à ne pas franchir
Virginie Cayre n’a pas souhaité donner de détails. Mais il y a des lignes rouges à ne pas franchir. Ce qui semble acté : c’est le maintien des urgences 24 heures sur 24 à Langres. Anne Cardinal, la maire de Langres, évoque aussi le maintien de lits de médecine, de soins de suite et de réadaptation, des activités de laboratoire et des consultations avancées. Le trimestre qui s’ouvre s’annonce déterminant.
C’est historique pour le Département
Pour construire ces deux hôpitaux neufs, dont les localisations ne sont pas arrêtées, une enveloppe de 140 millions d’euros est débloquée avec une très forte implication du Département et du GIP Haute-Marne qui pourraient apporter à eux d’eux près de 50 % de l’enveloppe globale comme annoncé ce vendredi par Nicolas Lacroix qui a aussi précisé le soutien de la Région Grand Est sur ce projet. « C’est historique pour le Département et pour le GIP, c’est la plus grosse décision prise depuis 30 ou 40 ans », a commenté Nicolas Lacroix remerciant la directrice de l’ARS Grand Est d’avoir tenu ses engagements.
C. C.
Ce que les élus et les protagonistes en pensent
« Ouf. Enfin. Merci ! »
Pas de débat particulier, au Conseil départemental, à l’annonce de la décision de l’ARS sur l’offre hospitalière. Des réactions, plutôt. Comme celle de Paul Fournié (Chaumont), qui parle d’une « décision très courageuse ». Ou celle de Dominique Viard (Langres) : « Ouf. Enfin. Et merci, a-t-elle commenté. Car le climat devenait vraiment pesant dans notre secteur. » Reste toutefois, pour l’élue langroise de la majorité départementale, « une grande inquiétude : c’est la santé des hôpitaux de Chaumont et de Langres aujourd’hui ». Comment ces établissements pourront-ils « tenir » jusqu’à la livraison de locaux neufs dans cinq ans ? s’est interrogée Dominique Viard qui pointe du doigt un « sabotage organisé par la direction et la direction des ressources humaines » et attend « des signaux forts » de l’ARS. Quant à Laurence Robert-Dehault (RN, Saint-Dizier), si elle rappelle que « beaucoup de maires étaient pour le projet » d’un site unique, comme d’ailleurs son collègue Christophe Bentz, « aujourd’hui un choix est fait, et pour tout le personnel hospitalier, c’est une bonne chose ». A condition, tacle Magali Cartagena (Villegusien), que « la maire de Langres signe le permis de construire sans changer d’avis ».
Christine Guillemy, maire de Chaumont : « Ce projet est un projet d’avenir »
« Je me réjouis de cette décision. Le ministre de la Santé François Braun a réaffirmé les décisions d’Olivier Véran. Il est dans sa continuité avec la gradation auquel j’ai toujours cru en signe de durabilité et d’avenir. C’était la meilleure solution pour l’offre de soins sur le centre et sud haut-marnais.
Cette décision correspond au territoire de santé et aux besoins de la population. C’est le fruit de réflexions de plus d’une année et le fruit de collaborations sur le sujet et notamment celle du Conseil départemental. Nicolas Lacroix, le président, a été très présent sur le dossier, très courageux avec une vision sur l’intérêt des Haut-Marnais et sur l’attractivité du territoire.
Ce projet est un projet d’avenir et il était temps que la décision soit prise. L’Etat a tenu sa promesse en termes de délais. Les mois qui viennent vont être riches et nous devons tous travailler collectivement. J’en profite pour remercier mes deux collègues de Langres et Bourbonne-les-Bains pour le travail réalisé ensemble qui a permis cette concrétisation.
Après les débats qui ont agité le territoire, je souhaite qu’aucune séquelle ne subsiste. Nous devons tous travailler ensemble pour la santé, pour le territoire et pour aller de l’avant. Il faut construire pour les générations futures. Cette décision est celle de la raison dans l’intérêt général ».
Stéphane Martinelli, président de l’Agglomération de Chaumont : « Je me réjouis de cette décision »
« Je me réjouis de cette décision conforme à ce qui a été acté il y a un an avec les deux hôpitaux. Les urgences H24 à Langres étaient également très importantes.
Je me réjouis également de cette annonce car elle permet au territoire de se projeter dans ce projet sur la problématique de la santé. Elle est la première problématique des habitants.
Je me réjouis enfin du calendrier resserré de cinq ans pour mettre en place le projet. Il permet d’être dans le concret rapidement et de donner confiance au territoire, au monde de la santé et aux Haut-Marnais et Haut-Marnaises.
Il faut souligner le volontarisme des collectivités et, notamment, du Conseil départemental et son président. Il montre et rappelle que le premier levier de l’action publique est le politique ».
Anne Cardinal (Langres) : « Je resterai vigilante pour conserver une offre de soins importante »
« Après des échanges et débats parfois houleux et pas forcément respectueux, la décision est prise. Il fallait qu’elle soit prise car il faut avancer la situation est grave pour nos hôpitaux. Je suis satisfaite que mes inquiétudes, mes réserves aient été prises en compte. Je resterais vigilante pour maintenir une offre de soins importante à Langres. J’y serai très attentive au cours des prochains mois pour protéger la santé des habitants de notre bassin de vie. L’offre de soins devra être innovante et répondre tant aux problématiques de la médecine hospitalière que de la médecine de ville. Ce sera également le moment de redéfinir l’organisation managériale des trois établissements pour redonner confiance aux équipesJe salue l’engagement du président du Conseil départemental et du GIP, ainsi que l’Etat et le CHU de Dijon, c’est très important. Concernant le niveau de la gradation de l’offre de soins, je n’ai pas plus de précision de ce qui a été dit en conférence de presse ce matin. J’ai senti qu’il y a une volonté du territoire de travailler ensemble. »
André Noirot (Bourbonne-les-Bains) : « Enfin une décision est prise »
« Enfin une décision est prise. On l’attend depuis quinze ans alors que l’offre de soins n’a cessé de se dégrader sur notre territoire. Il est grand temps de réorganiser l’offre de soins. En ce qui concerne Bourbonne-les-Bains, nous avons un établissement bien entretenu, un plateau technique de haut niveau. Nous avons notamment une cellule de rééducation de très bon niveau depuis une trentaine d’années. »
Dr François Molli (Copil Egalite-Santé) : « C’est la mort sanitaire du département »
« C’est la mort sanitaire du département. Ils ont demandé un avis médical pour ne pas en tenir compte finalement. Je ne sais s’ils comprennent ce qu’ils font. C’est à se demander s’ils ont écouté les conseils qu’on leur a donnés. Ils n’ont pas compris le problème ou ils refusent de le comprendre. C’est très inquiétant. Ce n’est pas à nous de prendre des décisions mais aux décideurs. Mais au lieu de s’appuyer sur les acteurs locaux du territoire, ils ont fait un autre choix. J’espère qu’ils l’assumeront. Entre deux maux, ils ont choisi le pire. On avait pourtant un projet bien ficelé, c’est dommage. On s’y attendait un peu, c’est franchement pas une surprise. »
Charles Guené (sénateur) : « On ne pourra mettre en œuvre un tel projet sans tous les professionnels »
« Les informations qui ont été données par voie de presse et celles qu’on a bien voulu directement me transmettre, m’indiquent qu’on peut avoir parfois démocratiquement et techniquement raison, et politiquement tort. Néanmoins, je veux encore laisser au mot politique toute sa noblesse. Ceci étant, ce jugement relève déjà de l’histoire. Quelle que soit l’amertume, il convient de regarder désormais l’avenir. On ne pourra mettre en œuvre un tel projet sans tous les professionnels, auxquels il appartiendra d’être volontaires, pour adapter la feuille de route aux besoins des patients. Les autres décideurs devront s’appliquer à leur laisser, cette fois, toute leur place en pacifiant et en ouvrant le champ des possibles d’un débat qui reste engagé. »
Elsan : « pas informé »
Etrangement, le groupe Elsan n’était pas représenté lors de la conférence de presse. Nous nous en sommes d’ailleurs étonnés auprès de la directrice générale de l’Agence régionale de santé qui a… botté en touche. Pourtant le communiqué de presse transmis aux rédactions stipule qu’en attendant la construction des deux hôpitaux cette période sera mise à profit «pour travailler l’organisation et les pratiques d’offre de soins de façon territoriale ainsi que le renforcement de l’appui du CHU de Dijon et le partenariat avec le groupe Elsan sur nos établissements».
Contacté, le groupe nous a fait savoir qu’il avait eu connaissance de la décision que «par voie de presse» et qu’à ce stade il ne souhaitait faire aucun commentaire, n’ayant aucune information plus précise.
« Les conseils de l’Ordre iront dans le sens du projet validé »
Gilles Dupont, président du conseil de l’ordre des médecins, rappelle avoir soutenu le projet du Copil. « Maintenant, le choix de l’ARS n’est pas celui là et nous ne pouvons qu’en prendre acte. »
« L’Ordre des médecins a été impliqué pendant un moment à la demande de la Préfète et de la directrice de l’ARS pour l’élaboration d’un projet médical cohérent. Nous avons consulté les médecins du territoire et l’ensemble des représentants des ordres professionnels (kiné, sage-femme, pharmacie, dentiste) et tous allaient dans le même sens ; celui du Copil. La cohérence était celle des malades d’un territoire de 120 000 habitants et comptant ceux de Joinville et Bar-sur-Aube.
Maintenant, le choix de l’ARS n’est pas celui là et nous ne pouvons qu’en prendre acte. Il est la démonstration d’un très bel entrisme politique. Je salue l’investissement de 140 millions d’euros pour la Haute-Marne. Je ne peux que m’en féliciter et j’espère que cela ne sera pas une coquille vide.
Les conseils de l’Ordre iront désormais dans le sens du projet validé. Le bon sens pousse à travailler tous ensemble et l’Ordre des médecins apportera son aide même si ce n’est pas le projet médical de la profession ».
La colère d’un Pays de Langres « cocufié »
Les trois présidents des intercommunalités du Pays de Langres n’ont pas caché leur « très grande déception » après les annonces enterrant le projet Rolampont porté par le comité de pilotage “Egalité santé”. « Il y a près d’un an, lors de la Conférence santé, j’avais repris une formule d’Edgar Faure : “Avoir toujours raison, c’est un grand tort”. Je persiste aujourd’hui. Nous avons toujours raison d’avoir manifestement tort politiquement puisque notre projet n’a pas été retenu », a lancé Eric Darbot, président du Pôle d’équilibre territorial et rural (PETR) du Pays de Langres et de la communauté de communes des Savoir-faire.
Cette intense déception, sur le fond, se double d’une véritable colère sur la forme antidémocratique de l’ensemble du processus : « On nous a demandé de participer à un conseil d’orientation. Il ne s’est pas réuni depuis le mois de juin. Il y avait un conseil scientifique, pas davantage réuni. Nous avons, avec l’accord de la préfecture et de Nicolas Lacroix, constitué le comité de pilotage, qui a consacré du temps et de l’énergie à proposer un projet. Une conférence des maires — un outil démocratique quoi que certains en disent — s’est réunie, avec l’unanimité des élus pour approuver ce projet. Tout cela a été balayé par un comité restreint qui a décidé d’acter ce qu’il avait déjà décidé dès le départ… Alors je pose la question : à quoi servent les élus ? ».
S’estimant « cocufié, déçu et triste », Laurent Aubertot, président de la communauté de communes Auberive-Vingeanne-Montsaugeonnais affirme qu’il « continuera à se battre pour défendre le projet du Copil ». Jacky Maugras, président du Grand Langres, s’interroge, pour sa part, sur l’absence totale de garanties quant à la gradation des soins et ce qu’il subsistera à Langres, en-dehors des urgences. A ses yeux, avoir décidé du bâtimentaire avant le médical est un non-sens. Seul point positif loué par les trois édiles : l’engagement financier à 140 millions d’euros, abondé de moitié par le Département et le GIP.