Deux frères font revivre la culture du chanvre
Ecologie. Guidés par la volonté de préserver les ressources en eau, Guillaume et David Kalms relancent la culture du chanvre longtemps pratiquée en Alsace. Chanvr’eel propose des produits alimentaires et cosmétiques.
« Plutôt que de demander ce qu’on peut faire avec du chanvre, demandez plutôt ce qu’on ne peut pas faire avec, ce sera plus rapide. On dénombre plus de 25 000 utilisations ! » Guillaume Kalms est intarissable sur le sujet du cannabis sativa.
Avec son frère David, il a fondé Chanvr’eel en 2019, à Benfeld, au sud de Strasbourg. La société propose une gamme de produits alimentaires et cosmétiques à base de graines récoltées chez des agriculteurs dans un rayon d’une trentaine de kilomètres. Ils font ainsi renaître une culture historiquement très présente en Alsace.
Le déclic à New York
L’idée lui est venue lorsqu’il travaillait pour la restauration de luxe aux USA. La cheffe pâtissière de Ladurée à New York, l’Alsacienne Claire Heitzler, utilisait la farine de chanvre pour des macarons. Par ailleurs, souffrant d’eczéma, il a pu voir l’efficacité des produits sur sa peau.
Le hasard des choses a fait qu’au même moment, Olivier Hartz, un ancien cadre de l’agroalimentaire, a fondé Hartz’Riedland, en Alsace centrale. Les deux sociétés ont travaillé ensemble, lui s’occupant de la partie agricole, eux de la transformation et de la commercialisation.
Depuis début 2023, les deux frères ont repris l’ensemble de la filière, ou microfilière pourrait-on dire : ils travaillent avec une poignée d’agriculteurs (dont un viticulteur) pour un peu plus d’une vingtaine d’hectares. Une goutte d’eau au milieu de l’océan de 100 000 ha de maïs dans la région. Mais il faut un début à tout…
Démarche la plus durable possible
Les deux frères utilisent uniquement les graines et les transforment eux-mêmes dans leur atelier de Benfeld, pour les vendre telles quelles – « elles ont un goût entre la noix et la noisette » –, sous forme d’huile, de savons… Ils traitent entre 20 et 25 tonnes à l’année. Chanvr’eel vend ses produits dans 130 magasins, boulangeries et restaurants, dont quelques étoilés. « Sa graine est certainement une des plus complètes au monde : elle est plus protéinée que la viande, elle renferme tous les acides aminés nécessaires, les oméga 3 et 6… »
Leur huile vient d’ailleurs de remporter le deuxième prix du concours international de la meilleure huile de chanvre en septembre 2023, en Italie.
En créant leur société, les frères Kalms ont choisi d’avoir la démarche la plus durable possible. Les agriculteurs, bio, sont au maximum à trente kilomètres de leur atelier pour être en circuit court, et l’ensachage est réalisé à l’Esat (Etablissement et service d’aide par le travail) des Papillons blancs, à deux pas de chez eux.
Résistant à la sécheresse
Leur souhait d’utiliser le chanvre a également – voire surtout – été guidée par la volonté de préserver les ressources en eau. La plante nécessite très peu de produits phytosanitaires et d’eau. C’est pour cela que les deux frères ont étendu leur gamme à d’autres cultures, tournesol, cameline et colza, qui ont les mêmes qualités. Elles permettent également de préserver la biodiversité et de diversifier le paysage agricole.
Françoise Marissal, L’Alsace
Un projet pour de l’écorénovation
Le SDEA (Syndicat des eaux et de l’assainissement d’Alsace-Moselle) et l’Eurométropole de Strasbourg ont lancé il y a un an une étude de faisabilité agro-économique sur l’utilisation de la fibre de chanvre comme matériau d’écorénovation en Alsace. Celui-ci est en effet un excellent isolant thermique et acoustique. Le projet du SDEA vient de sa recherche de cultures non polluantes sur ses aires de captage d’eau. Or, planter du chanvre, oui, mais il faut pouvoir lui assurer un débouché économique.
Entre 100 et 1 000 hectares
Autant sa culture ne nécessite quasiment aucun travail – « elle pousse aussi facilement que l’ortie ou la menthe », s’enthousiasme Guillaume Kalms – autant sa récolte et son séchage ont besoin d’un équipement spécifique. Il faut donc une surface de plantation suffisamment grande pour justifier l’investissement. « L’étude répertorie les pistes pour une surface de plantation de 100 à 1 000 hectares sur la région », détaille Franck Hufschmitt, directeur de la transition écologique au SDEA. Ce qui serait d’autant plus intéressant que la plante a de nombreux autres atouts environnementaux, telle sa capacité d’aérer les sols avec ses racines profondes, et à capter autant de CO