Détente fragile – L’édito de Patrice Chabanet
Il est encore trop tôt pour savoir si le mouvement lancé par le personnel pénitentiaire est sur le point de prendre fin. Disons que deux éléments importants le laissent prévoir. Il y a d’abord l’essoufflement de la contestation qui en était hier à son douzième jour. Il y a aussi – et surtout – l’accord signé avec la garde des Sceaux par le syndicat majoritaire, l’Ufap-Unsa. Ses deux concurrents, FO et la CGT, ont annoncé leur intention de maintenir la pression. Mais l’expérience syndicale montre que lorsque la principale organisation appelle à la reprise du travail, les minoritaires peinent à remobiliser. On en revient toujours à la célèbre formule du communiste Maurice Thorez, « Il faut savoir terminer une grève ». En l’occurrence, le protocole d’accord signé par l’Ufap-Unsa ne reprend pas l’intégralité du cahier revendicatif. C’est toujours le cas dans une négociation où les deux parties doivent faire des concessions. Cela dit, la gestion des détenus radicalisés sera renforcée, la sécurité des surveillants sera accrue, les recrutements seront en augmentation et les indemnités spécifiques seront revues à la hausse. En revanche, pas d’évolution du statut des gardiens.
A ce stade, la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, accusée il y a encore deux ou trois jours d’incompétence et d’inexpérience, ne s’en sort pas trop mal. Elle a fait ses armes à chaud. Elle obtient l’accord de la principale organisation et elle brise de facto le front syndical, un moyen éprouvé pour mettre fin à un long conflit. Au passage, les deux têtes de l’exécutif ne se sont pas brûlé les ailes dans un dossier qui reste délicat, malgré tout. Dans l’hypothèse, plausible maintenant, d’un étiolement du mouvement, une lourde menace demeure, qui pourrait tout remettre en cause : une nouvelle agression contre des gardiens. D’où l’urgence, l’extrême urgence, de la mise en place des moyens pour protéger les surveillants. Faute de quoi, la colère franchira de nouveaux paliers, avec les conséquences qu’on peut imaginer.