Des paroles aux actes – L’édito de Christophe Bonnefoy
On les idéalise en transmetteurs de savoirs. On les découvre, à travers les drames dont peut être victime l’Ecole, et bien malgré eux, en soldats qu’on voudrait garants de la paix dans les établissements. Ce qui n’est pas leur rôle. En tout état de cause, pas leur vocation.
On aimerait, dans un monde idéal, voir les professeurs, pas comme les copains, mais au moins comme ceux qui, en toute liberté et sans crainte, passent le relais à des élèves gourmands d’apprendre, avides de connaissances.
On connaît, depuis l’éternité presque, ce petit jeu du chat et de la souris, entre ados qui aimeraient vaquer à leurs loisirs – être ailleurs que dans une salle de classe – et profs qui, entre pédagogie et autorité naturelle, cherchent à forger les citoyens de demain. On ne peut en revanche accepter que ce qui devrait être un sanctuaire devienne un lieu de peur, un endroit où l’on demanderait, par la force des choses et pressés par la violence de l’extérieur, aux enseignants d’endosser l’uniforme de policiers.
La mort de Dominique Bernard, trois ans après celle de Samuel Paty, nous plonge dans l’horreur tout autant que dans la colère. L’enquête dira si, dans le cas du professeur de français d’Arras, de graves manquements ont conduit au drame. Dans l’instant, presque, l’émotion est grande, évidemment au sein du corps enseignant, mais aussi chez les élèves et dans le pays. Il y a un temps pour tout. Y compris pour de nécessaires minutes de silence, des hommages solennels ou des louanges sur un métier essentiel.
Une discours commence néanmoins à se faire entendre, évidemment dans le monde politique, mais aussi chez les enseignants : assez de belles paroles, place aux actes. En matière de sécurité, on n’atteindra jamais le risque zéro. Mais certains ont le sentiment, trois ans après la mort de Samuel Paty, que d’une certaine manière on les abandonne à leur triste sort.