Mémoire de la déportation : l’AFMD veut passer le flambeau
L’association des Amis de la Fondation pour la mémoire de la déportation (AFMD) tenait son assemblée annuelle, samedi 16 mars, au pôle associatif de Vergy. Dans un contexte international troublé, elle souhaiterait rajeunir ses effectifs pour faire vivre la mémoire.
« Il y a 79 ans, les portes des camps s’ouvraient et les survivants ont fait la promesse d’œuvrer pour un monde meilleur. Mais les idéologies qu’ils ont combattues ressurgissent. Exclusion, repli sur soi, haine de l’autre… Pour éviter ça, nous avons besoin de nos associations de mémoire. » Depuis 20 ans, Christian Bardin, préside l’association des Amis de la Fondation pour la mémoire de la déportation (AFMD) de Saint-Dizier. Mais face à la montée des extrémismes, au conflit entre Israël et le Hamas, à l’explosion des actes antisémites en France, seule la mémoire peut, selon lui, s’ériger en rempart.
Les jeunes perdent la mémoire
« Il faut se remobiliser, nous avons besoin de militants actifs et de rajeunir nos effectifs », a expliqué Christian Bardin. « Motivez les plus jeunes. Parlez à vos enfants, à vos petits-enfants, faites-leur regarder des films, des émissions de télévision, faites-leur lire des livres, des BD… Amenez-les aux cérémonies de mémoire. Enseignants, incitez-les à participer au concours national de la résistance et de la déportation. Parce que c’est à eux qu’il reviendra de prolonger notre travail. »
Mais le chemin est encore long, à en croire ce professeur d’histoire, nouvel adhérent de l’AFMD. « Le problème, c’est que certaines thématiques sont très difficiles à enseigner. Dans le cadre de l’hommage à Manouchian, on a fait un cours commun avec un collègue et un élève nous a rétorqué : “Vous nous emmerdez avec Manouchian. Vous nous sortez encore la propagande arménienne”. Aujourd’hui, faire un cours sur le génocide arménien ou la Shoah, c’est très compliqué. » D’où l’importance des interventions de l’AFMD en milieu scolaire.
Une antenne de l’AFMD à Chaumont
D’où l’importance, également, d’accueillir de nouveaux adhérents. « Avant la Covid, nous étions 3 000 au niveau national. En 2023, nous étions à peine 2 000 », a déploré Christian Bardin. Alors quand Eric Vigneron, un habitant de Châteauvillain, lui a soumis l’idée de créer une antenne de l’AFMD à Chaumont, le président bragard n’a pas hésité une seule seconde.
« Après le décès de Jacky Fréchin, président de l’Association des orphelins de déportés-massacrés, Chaumont s’est retrouvé sans association de mémoire. Comme le Comité d’entente chaumontais n’est pas très porté sur la mémoire de la déportation, Christine Guillemy (maire de Chaumont et ancienne présidente de l’AFMD bragarde, Ndlr) a souhaité reconstruire quelque chose avec nous », expliquent Christian Bardin et Eric Vigneron.
L’AFMD devrait donc prochainement œuvrer aussi à Chaumont, pour rappeler l’horreur de la Shoah, des camps de concentration et de tout ce qui a mené à une telle barbarie, pour éviter qu’elle ne se reproduise un jour.
P.-J. P.
Pourquoi la cérémonie du 27 janvier n’aura plus lieu…
Le 27 janvier est une date importante pour l’AFMD. Elle marque à la fois la rafle des juifs de Haute-Marne (1944) et la libération du camp d’Auschwitz (1945). Chaque année, l’association organise donc une cérémonie. Mais cette année, « au vu du contexte, il me paraissait raisonnable de la reporter, pour éviter un potentiel incident antisémite et pour qu’elle ne soit pas politisée et ne devienne une justification à la politique actuelle de l’Etat d’Israël », explique Christian Bardin. Par la volonté de quelques représentants de la communauté juive, une cérémonie a tout de même été organisée, en comité restreint.
Mais à l’occasion d’une prise de parole, Christian Bardin est tombé des nues. « Un membre de la communauté juive s’est livré à une attaque en règle de l’AFMD, en me regardant droit dans les yeux. On n’y était pas traité d’antisémites, mais c’était tout comme. A tel point que je suis parti au milieu du discours. Après 20 ans de travail pour la mémoire juive, entendre ça m’a été insupportable. »
Alors le président de l’AFMD a pris une décision. « On n’est pas propriétaire de la mémoire. Si d’autres veulent le faire à notre place, qu’ils le fassent. On n’abandonne pas la mémoire juive, mais la cérémonie du 27 janvier telle qu’on la faisait jusqu’à présent, on la met de côté et on verra bien ce qui se passe… »