Deguy-Conge : le savoir-faire érigé en stratégie

En s’appuyant sur son savoir-faire avéré dans les lames pour machines agricoles, Deguy-Conge (Luzy-sur-Marne) a entamé une diversification ambitieuse, notamment dans l’agroalimentaire et le BTP. Les premiers contacts sont prometteurs.

L’entreprise Deguy-Conge est née à Poulangy au cœur du XIX^e siècle. Le Bassin de Nogent s’érige alors en capitale de la coutellerie. L’entreprise se développe et a besoin de puissance. Jules Conge observe alors que la Marne serait plus généreuse en énergie que la Traire. Il repère un moulin à Luzy et l’acquiert en 1893. Abel Conge, son fils, développe la coutellerie. Il a trois enfants, dont une fille qui épouse un sieur Deguy. Quatre-vingts personnes produisent alors des couteaux professionnels, pour les bouchers. L’aventure est lancée.

Dans la seconde moitié du XXe siècle, des machines de plus en plus puissantes conquièrent les campagnes. Certaines de ces machines, les presses, les mélangeuses, ont besoin de gros couteaux, toujours plus tranchants, toujours plus durs. Une nouvelle mutation, décisive, s’impose chez Deguy-Conge qui abandonne la boucherie pour le machinisme agricole. On est dans les années soixante-dix. Les nouveaux clients s’appellent John Deere, Claas, New Holland.

Aujourd’hui, 45 salariés et une vingtaine d’intérimaires développent et réalisent des couteaux et des lames pour les machines agricoles. Enfin… Pour l’instant ! Car Jean-Luc Deguy, visionnaire, parie sur une diversification intelligente vers les univers de l’agroalimentaire et du BTP notamment. Pour l’agroalimentaire, le savoir-faire est déjà là. La matière change avec l’inox, pour d’évidentes raisons sanitaires. Adaptées aux nouvelles machines, les lames seront plus petites, plus techniques. Mais la technicité est un point fort de l’entreprise de Luzy-sur-Marne. Les premiers prospects croisés dans les allées du Salon agroalimentaire CFIA de Rennes sont encourageants. Par ailleurs, des échanges prometteurs en cours avec une société danoise rencontrée au Salon Agritechnica de Hanovre laissent envisager de possibles courants d’affaires. Bref, cette diversification mobilise bien des énergies au sein de l’entreprise. Les planètes sont bien alignées ; car outre le savoir-faire qui a fait la réputation de la société, l’outil est là aussi, présent et maîtrisé : que ce soit en découpe laser, en usinage, en meulage, en forge, en métallisation, en traitement thermique, les possibilités sont nombreuses, opérationnelles et pourraient même être sollicitées par des industries du Bassin.

Tout n’est pas rose pour autant. Recruter reste un singulier défi dans le sud Haute-Marne. Les prix de certaines matières premières demeurent à la hausse, comme celui de l’énergie. Malgré ces contrariétés, l’entreprise, qui a vendu 770 000 pièces en 2023 espère atteindre un chiffre d’affaires de 8 millions d’euros en 2024. 70 % de ce chiffre d’affaires sont réalisés à l’export, notamment vers l’Inde, le Canada, Israël, l’Angleterre (embargo en Iran) etc. Deguy Conge travaille en direct avec Claas (France et Allemagne), New Holland (Belgique et Pologne), John Deere (USA et France), etc.

Pour développer son activité, Deguy Conge vend de plus en plus aussi de l’intelligence : son bureau d’études conseille ses partenaires, devient force de proposition pour le choix des matériaux, le profil des lames. Pour le client qui développe une future machine, Deguy Conge développe les couteaux qui l’équiperont en apportant ses compétences uniques.

Soucieux de faire savoir son savoir-faire, Deguy-Conge a aussi engagé un étudiant étranger afin d’améliorer sa visibilité dans la communication digitale.