Déclin de la biodiversité : vers une fabrique des pandémies ?
NATURE. Une projection-débat du documentaire « La fabrique des pandémies » est co-organisée ce soir au Ciné-Quai par la Ligue pour la protection des oiseaux et la Ville. L’occasion pour le jhm de faire le point sur l’état de la biodiversité autour de Saint-Dizier.
« Aujourd’hui, un virus qui « sort du bois » en Asie ou en Afrique traverse le monde en quelques jours… » Marie-Monique Robin, réalisatrice du documentaire « La fabrique des pandémies« , sait de quoi elle parle. En marge de la diffusion du film au Ciné-Quai, ce mardi 6 décembre à 20 h, un débat sera organisé en sa présence. L’objectif ? Sensibiliser les spectateurs bragards sur les liens étroits entre activité humaine, apparition de pandémies et déclin de la biodiversité.
La Haute-Marne n’est pas épargnée…
La diminution globale de la biodiversité n’épargne pas Saint-Dizier et ses alentours. « Dans les années 1990, la Haute-Marne s’est beaucoup modifiée, avec l’apparition d’immenses champs de monoculture », rappelle Aymeric Mionnet, membre de la LPO Champagne-Ardenne. Inévitablement, la biodiversité a pâti de cette modification des sols. Des espèces ont même disparu du territoire, comme le busard Saint-Martin. Mathieu Madden, chef de l’unité territoriale de Haute-Marne à l’Office français de la biodiversité, certifie : « L’artificialisation des sols entraîne une perte automatique des espaces naturels, et donc de la biodiversité. »
Des espèces très communes, comme l’hirondelle, ont vu leur nombre diminuer « de près de 50 % en une vingtaine d’années », dixit Etienne Clément, président de la LPO Champagne-Ardenne. Le busard cendré a connu le même sort, et l’alouette des champs s’en sort à peine mieux, avec une chute des effectifs d’environ 25 % depuis l’an 2000.
En parallèle, des espèces exotiques envahissantes pullulent. C’est le cas de l’érismature rousse, un canard originaire du Canada qui « concurrence les espèces autochtones », selon Mathieu Madden. Mais aussi de l’écrevisse américaine, qui se répand comme une traînée de poudre dans les rivières haut-marnaises, au détriment des écrevisses à pattes blanches.
… même si la situation pourrait être pire
Malgré tout, pas de quoi être défaitiste. « Nous avons la « chance » d’être un territoire en déprise démographique, avec des campagnes diversifiées, […] or plus il y a une mosaïque de paysages, plus la biodiversité se porte bien », rassure Etienne Clément. « 40 % de la Haute-Marne est boisée, l’érosion de la biodiversité y est donc moins prégnante », ajoute Mathieu Madden.
« La disparition de certaines espèces n’a pas d’incidence sanitaire directe dans le département, parce que d’autres espèces occupent les mêmes niches écologiques et compensent donc leur absence », détaille Aymeric Mionnet. « Ce n’est pas comme dans d’autres pays du monde, où la disparition de certaines espèces crée de graves problèmes de santé », ajoute le membre de la LPO.
Biodiversité et pandémies : tout est lié ?
Dézoomons. Personne n’a oublié la paralysie mondiale provoquée par la Covid-19, dont l’origine animale n’est plus réellement remise en doute. Etienne Clément l’assure : « Même si le virus a été porté à la base par des animaux, c’est notre activité humaine qui a permis sa propagation. » La chute de la biodiversité, dont l’humain est premier responsable, n’est pas étrangère à cette « épidémie de pandémies ».
L’explosion de la maladie de Lyme par exemple, qui fait des ravages dans le Grand Est, est directement liée à la raréfaction des renards. « Quand il y a moins de renards, la maladie est plus développée, parce qu’il prédate des espèces porteuses de tiques infectées, comme le campagnol », explique Etienne Clément. L’influenza aviaire, dans laquelle la Haute-Marne est empêtrée, ou la peste porcine africaine, ayant frappé les sangliers belges en 2018 et nécessitant la mise en place d’un « cordon sanitaire » jusqu’à la Meuse, sont d’autres exemples de maladies qui pourraient – à terme – toucher les êtres humains.
En co-organisant avec la Ville et le Ciné-Quai la projection-débat de « La fabrique des pandémies » ce soir, la LPO veut faire prendre conscience, pour paraphraser Marie-Monique Robin, qu’« à l’échelle individuelle, on peut agir pour préserver la faune locale ». Et ainsi éviter les pandémies.
Dorian Lacour